Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

nicatione idiomatum in Christo, demeuré inédit. Plusieurs sont destinés à combattre l’Astrologie. Ceux qui concernent la Morale et la Politique font considérer Oresme comme un précurseur de l’Économie politique [1] ; c’est parmi ceux-ci qu’il faut placer la traduction avec « glouse » de l’Éthique d’Aristote, faite en 1370, sur l’ordre et aux frais de Charles V ; celle de Politique et de l’Économique, accomplie en 1371, dans les mêmes conditions ; enfin l’admirable Petit traictié de la première invention des monnoies et des causes et manières d’icelles, qui avait, été écrit en latin avant de l’être en français.

Nicole Oresme ne s’est pas montré, en Mathématiques, moins heureux inventeur qu’en Économie politique. L’usage des coordonnées, introduit par son Tractatus de figuratione potentiarum et mensurarum difformitatum, lui a permis d’être le précurseur [2] de Descartes en Géométrie Analytique et de Galilée en Cinématique.

Charles V, désireux de répandre le goût des sciences en son royaume, avait fait traduire et commenter en français, par Nicole Oresme, l’Éthique, la Politique et l’Économique d’Aristote ; encouragé, sans doute, par le succès de ces écrits, il demanda au même maître de mettre en langue vulgaire le De Cælo et Mundo d’Aristote ; cette demande a déterminé la composition de l’un des monuments les plus importants que nous ait laissés la Science du Moyen Âge.

Le Traité du Ciel et du Monde, dont la Bibliothèque Nationale possède plusieurs textes manuscrits [3] contemporains d’Oresme, débute en ces termes [4] :

« Ou nom de Dieu, cy commence le livre d’Aristote appelle du Ciel et du Monde, lequel du commendement de très souverein et très excitent prince Charles le Quint de cest nom, par la grâce

  1. Traictie de la première invention des monnoies de Nicole Oresme, textes français et latin d’après les manuscrits de la Bibliotbèque impériale, et Traité de la monnoie de Copernic, texte latin et traduction française, publiés et annotés par M. L. Wolowski ; Paris, Guillaumin, 1864. — Charles Jourdain, Mémoire sur les commencements de l’Économie politique dans les Écoles du Moyen Âge (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXVIII, 2e partie, 1874).
  2. Moritz Cantor, Vorlesungen über die Geschichte der Mathematik, Bd. II, 2te Aufl., Leipzig, 1900 ; pp. 129 seqq.

    Pierre Duhem, Dominique Soto et la Scolastique parisienne (Études sur Léonard de Vinci, Troisième série : Les précurseurs parisiens de Galilée ; Paris, 1913, pp. 375-398).

  3. Un de ces textes (fonds français, no 565), orné de miniatures, porte la signature du duc de Berry, frère de Charles V, auquel il a appartenu ; c’est sur un autre texte (fonds français, No 1083), de la même époque et fort correct, que, grâce à l’obligeance de M. Omont, conservateur du département des manuscrits à la Bibliothèque Nationale, nous avons pu étudier cet ouvrage.
  4. Bibliothèque Nationale, fonds français, ms. no 1083, fol. 1, col. a.