Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
L’ASTRONOMIE ITALIENNE

nomie proprement dite, la superstition astrologique se trouve contenue par les barrières que la foi lui oppose ; sans discuter l’entière légitimité de la divination par les astres, l’Église ne cesse de rappeler que cette divination ne saurait tout prévoir ; la grâce de Dieu, en effet, est libre, la volonté humaine est libre, et une décision librement prise ne saurait être annoncée d’avance ; aucun effet de la libre puissance de Dieu, aucun acte du libre arbitre de l’homme ne peut, être prévu par l’observation des astres.

L’art des astrologues italiens ne connaît pas de semblables barrières. S’il est une influence qu’il subisse, ce n’est pas celle des enseignements chrétiens qui restreindraient ses prétentions, mais celle du fatalisme musulman qui l’autorise à les étendre par delà toute limite » Les doctrines islamiques, si fort en faveur à la Cour de Frédéric II, lui enseignent qu’il n’y a pas d’acte libre ; tous les faits se déroulent suivant une règle inviolable et prescrite d’avance. Il est donc permis d’accepter en sa plénitude l’axiome d’Aristote, il est légitime de croire que tout ce qui se passe au-dessous de l’orbe de la Lune est, par un déterminisme rigoureux, lié aux révolutions des corps célestes, Point, de la part de l’homme, de décision qui soit libre ; point, de la part de Dieu, de miracle impossible à prévoir ; partout, des effets nécessaires de causes également nécessaires, qui sont les mouvements des astres ; en sorte que l’homme instruit de ces causes peut infailliblement annoncer tout événement futur.

Cette Astrologie ambitieuse paraît être, d’ailleurs, la moins coupable des superstitions auxquelles s’adonnent les savants de l’Italie ; un Barthélémy de Parme écrit un traité sur la Géomancie, qu’il regarde comme le complément de l’Astrologie judiciaire ; les maîtres de la Science des astres s’exercent a toutes les pratiques divinatoires ; leur initiateur et leur module est ce Michel Scot « qui sut vraiment le jeu des fraudes magiques[1]. »

Nier la liberté humaine, nier l’action miraculeuse de la Providence dans le Monde, user de divinations superstitieuses et d’opérations magiques, c’était contredire à tout l’enseignement chrétien et contrevenir aux prescriptions les plus sévères de l’Église. Entre les adeptes de l’Astrologie, donc, et les ministres du Catholicisme, la lutte était inévitable ; maintes lois, elle fut violente, les astrologues mécréants qu’animait l’esprit de la Cour de Naples attaquaient, avec âpreté la doctrine orthodoxe ; et les moines men-

  1. Dante, L’Enfer, Chant XXe vers 40-41.