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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

il convient d’aborder ces différentes doctrines. Un Albert le Grand ou un Saint ùiomas d’Aquin était tantôt le physicien (pii expose le De Cælo d’Aristote, et tantôt le théologien qui commente les Sentences de Pierre Lombard ; en ces deux enseignements, il lui arrivait d’avoir à traiter d’une même question, du nombre et de la nature des sphères célestes par exemple ; mais jamais il n’oubliait qu’assis en des chaires différentes, il devait aborder le même problème par des méthodes différentes ; en commentant le De Cælo, il n’apportait que des raisons de Physique ou de Métaphysique qui fussent données par la lumière naturelle ; il réservait pour ses lectures sur les Sentences la comparaison des données de la Science humaine aux textes de l’Écriture Sainte.

De même, un Jean de Saxe peut écrire des canons d’Astronomie et commenter un « Introductoire » d’Astrologie judiciaire ; mais en ses ouvrages consacrés à l’Astronomie, il ne fait aucune allusion à la science des pronostics, si ce n’est pour la distinguer de l’Astronomie mathématique et en signaler la moindre certitude.

Cette exacte appréciation de la méthode propre à chaque science impose, aux traités de l’École de Paris, un ordre rigoureusement défini par la Logique ; la science italienne ne paraît guère s’en soucier. Dans un même ouvrage, voire en l’étude d’un même problème, elle mélange les considérations les plus diverses ; les textes de la Bible sont invoqués au même titre que les observations faites à l’aide de l’astrolabe, et les déductions du géomètre se trouvent entremêlées aux rêveries de l’astrologue.

Parmi ce désordre, d’ailleurs, où les disciplines les plus diverses enchevêtrent leurs procédés et leurs modes de raisonnement, il est une doctrine qui occupe la place dominante et dont les autres sciences ne semblent être que les très humbles servantes ; cette doctrine, c’est l’Astrologie. Si l’on observe les astres, en Italie, ce n’est pas qu’on désire en mieux connaître les mouvements ; c’est qu’on en veut tirer des pronostics. Beaucoup d’astronomes ne sont que des astrologues ; et il nen est aucun qui n’ait composé quelque traité d’Astrologie judiciaire.

Assurément, les maîtres de l’École de Paris ne professent pas tous, à l’égard de l’Astrologie judiciaire, la sévérité avec laquelle un Guillaume d’Auvergne ou un Nicole Oresme condamne cette science. Un Jean des Linières, un Firmin de Belleval, un Jean de Saxe établit parfois un pronostic et, sans doute, cette opération lui fournit, pour vivre, des ressources que la science véritable lui refuserait. Mais, non contente de ne pas empiéter sur l’Astro-