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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

L’un des axiomes qu’invoque sans cesse Ristoro, c’est que toute chose, en ce monde, doit trouver son contraire ; le blanc requiert le noir, et l’existence de l’eau réclame celle du feu.

« Selon ce que nous avons dit maintes fois ci-dessus, il ne doit se trouver, en ce Monde [1], aucune chose qui n’ait son opposé, afin que cette chose puisse être connue, et aussi que son opération soit plus puissante ; sinon, elle ne serait pas connue et son opération serait moindre ; c’est ainsi que le léger ne se connaît que par le grave et le mouvement par le repos, il est de raison, d’ailleurs, que les opposés s’écartent, et se tiennent aussi loin qu’ils le peuvent lun de l’autre. Or le corps du Ciel se doit mouvoir et tourner en vue de la génération ; il y a donc nécessité qu’il y ait son opposé, qui s’en trouve éloigné autant qu’il est possible, et qui demeure fixe ; mais la Terre est plus loin du corps du Ciel qu’aucune autre chose qui soit ; la Terre demeurera donc fixe et en repos, à l’opposé du corps du Ciel qui se meut et tourne. »

« Toute chose [2], afin que son opération soit plus grande, et aussi afin qu’elle puisse être connue, doit avoir son opposé ; sinon, elle ne serait point connue et son opération dans le Monde serait moindre, en sorte que l’Artisan du Monde pourrait être blâmé.

» S’il se trouve donc une chose qui se meuve, qui soit la plus grande qui puisse être, telle la plus grande sphère du Ciel, et qui soit concave, pour que cette chose-là ait son opposé, il faut qu’il se trouve une sphère très petite par rapport à celle-là, une sphère qui soit la plus petite qui puisse être, qui soit comme un point, qui demeure fixe, comme la Terre, et qui ne soit pas concave. »

Ces deux textes nous laissent deviner les sources d’où dérive l’axiome invoqué par Ristoro : « In questo Mondo, non può essere nulla cosa, per essere conosiuta e accio che sia maggiore operazione, che non debbia avere lo suo opposito, e’n altra guisa non si conoscerebbe et sarebbe minore operazione ; si che l’Artefice del Mondo potrebbe essere biasimoto. » Ces doux sources sont péripatéticiennes.

L’une est cette affirmation : Tout mouvement se fait d’une forme à la forme contraire ; au corps qui se meut et qui avait, en acte, une certaine forme, la forme contraire, qu’il possédait seulement en puissance, est imposée par un moteur où cette dernière forme est en acte ; en sorte qu’aucune action ne se peut produire qu’entre doux substances où se trouvent en acte des formes opposées.

  1. Ristoro d’Arezzo, Op laud., lib. VIII, cap. I ; éd. cit., p. 247.
  2. Ristoro d’Arezzo, Op laud., lib. VIII, cap. IV ; éd. cit., p. 254.