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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

« Toute cause suffisante, dit-il,[1] et qui, par sa nature, ne peut rencontrer, d’empêchement imprime nécessairement son effet dans le patient qui lui est soumis. Or c’est une telle cause que le corps céleste ; c est, en effet, une cause perpétuelle et qui est incorruptible pour l’éternité ; elle a, par elle-même, une vie absolument suffisante et elle ne connaît pas la vieillesse, comme on le voit au premier livre Du Ciel et du Monde. Ce raisonnement peut encore être affermi : Le mouvement des corps célestes est chose divine ; rien, en ce monde, ne peut, d’aucune manière, troubler cette chose, car elle est nécessaire ; partant, elle ne peut, être autre qu’elle n’est, comme on le voit au premier livre du Quadripartitum». Tous les évènements de ce monde sont donc, suivant un fatalisme inexorable, réglés par les mouvements des astres.

Les révolutions des planètes, leurs conjonctions et leurs oppositions régissent sous les changements dont ce monde est le théâtre[2] ; parmi ces phénomènes astronomiques, il en est un qui a, sur Los évènements terrestres, une influence particuli’rement marquée ; c’est la Conjonction de Saturne et de Jupiter dans la constellation du Bélier « Lors de la conjonction tic Saturne et de Jupiter au point équinoxial du printemps, conjontion qui se reproduit au bout de (Mit) ans, le monde inférieur est entièrement transformé ; non seulement on voit se dresser de nouveaux royaumes, mais encore de nouvelles religions et des prophètes, dont la conjonction planétaire a été au moins Le signe et, parfois, la cause… C’est ce que l’on a vu lors de l’avènement de Nabuchodonosor, de Moïse, d’Alexandre le Grand, du Nazaréen et de Mahomet. »

Renan remarque[3] qu’en ce passage « la pensée impie de l’horoscope des religions, ensuite reprise par Pouiponat, Pic de la Mirandolo, Cardan, Vanini, est énoncée pour la première fois avec une surprenante hardiesse. » Cette hardiesse impie, il est vrai, est singulièrement exagérée par le l’ait que Renan a retranché de sa citation ces mots essentiels : « significative saitem seu causaliter in quibusdam. » Lorsqu’on les rétablit, la pensée de Pierre d’Abano perd son caractère blasphématoire ; ce sont, en elfet, nous le verrons, les astrologues chrétiens, désireux de concilier les principes de leur science avec la puissance absolue et libre de Dieu, qui, reprenant la pensée de Plotin, ont considéré les conjonctions astrales comme n’étant point les causes, mais seulement les signes des évènements futurs.

1. Petrus DR Apono, loc. cit.

2. Petré de Apono Op. laud., Diff, IX.

3. Ernest Renan, Juwoès eZ Z’Aüerrof.s’/Me, essai /itsforiçue, p. 269.

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