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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

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s’empresseraient de faire crouler. Voilà pourquoi nous ne comprendrions rien à l’avènement des idées qui devaient placer la Terre an rang des planètes si nous ignorions comment P Église catholique a lutté contre les Métaphysiques et les Théologies léguées à F Islam par F Antiquité hellénique. Parties des points les plus divers, 1rs attaques dos théologies contre les philosophies helléniques et, particulièrement, contre l’Aristotélismc, ont, presque toutes, convergé vers une memr notion, (pii se trouvait être comme le fort central et le réduit de ces philosophies ; cette notion est celle de matière et, spécialement, de matière première.

Tout d’abord, le dogme de la création dans le temps s’opposait à l’éternité du Monde ; or ce qui imposait surtout au Momie nue existence éternelle, c’est l’impossibilité d’attribuer un commencement à la matière première.

Les discussions sur les intelligences cl les Ames qui meuvent les cicux ne pouvaient sc poursuivre bien longtemps sans qu’on se vit ramené à 1 examen de cette question : Les cicux ont-ils une matière, et cette matière est-elle de même nature (pie celle des corps sublunaires ?

Les âmvs humaines, lorsque la mort vient dissoudre les corps dans lesquels elles résidaient, demeurent-elles individuellement distinctes, ou bien se fondent-elles tontes en une intelligence unique ? Point de problème qui préoccupe davantage les fidèles des trois religions islamique, juive et chrétienne. Or ce problème conduit aussitôt à celui-ci : Qu est-ce qui distingue les uns des autres les individus d une même espèce, de l’espèce humaine par exemple ? Ce principe d’individuation, est-ce ou non la matière ? Ainsi donc les débats dont nous allons retracer l’histoire seront intimement liés aux vicissitudes par lesquelles vont passer la notion de matière eu général et, particulièrement, la notion de matière première. Cette notion sera comme le donjon central dit Péripatétisme ; nous ne saurions nous en étonner ; avec la notion d cxistence eu puissance, dont elle n était, pour ainsi dire, qu mi aspect, elle marquait le caractère par lequel la Physique d Aristote se distinguait de toutes les doctrines plus anciennes ; maintenir, donc, le concept de matière, c’était garder le germe d’où 1 Aristotélisme entier pouvait surgir de nouveau ; détruire cette idée, c’était arracher les ultimes racines de la Philosophie péripatéticienne.