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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

gnaient pas, cependant, à renverser de fond en comble le grandiose système d’Aristote ; ils s’efforçaient d’en retrancher ou d’en modifier les thèses qui, trop certainement, contredisaient soit aux affirmations de leur foi religieuse, soit aux constatations de leurs sens ; mais, en meme temps, ils cherchaient à sauver tout ce que l’Astronomie d’une part, et la Théologie, d’autre part, n’avaient pas ruiné ; par d’habiles raccords, ils s’ingéniaient à reprendre, en un harmonieux ensemble, les fragments qu’ils parvenaient à conserver. Ainsi firent Avicenne chez les Musulmans, Moïse Maimonide chez les Juifs, Saint Thomas d’Aquin chez les Chrétiens. Or ceux qui consacraient leurs efforts à cette tentative conciliatrice trouvaient, dans l’œuvre que la pensée hellénique avait produite avant de disparaître, une aide singulièrement puissante ; cette œuvre, en effet, résultait du vigoureux élan vers l’éclectisme qui fut le Néo-platonisme d’Alexandrie.

Guidé par ce grand métaphysicien qu’a été Félix Ravaisson jetons un coup d’œil d’ensemble sur l’Ecole néo-platonicienne hellénique et tâchons de discerner les courants divers auxquels s’abandonne la raison de scs maîtres.

Celle de ces tendances que nous distinguons tout d abord, c’est une irrésistible aspiration vers l unité philosophique. H semble que, près de s’éteindre, la pensée grecque veuille faire l’inventaire du trésor intellectuel qu’elle a amassé au temps de sa maturité ; il semble qu’elle ne le veuille point léguer à la pensée musulmane, puis à la pensée chrétienne, avant de l’avoir mis en ordre. Elle cherche donc à concilier entre eux les systèmes divers que scs sages ont, tour à tour, édifiés, et, surtout, elle tente de coordonner les trois grandes doctrines devant lesquelles toutes les autres pâlissent : le Platonisme, PAristotélisme et le Stoïcisme. Ce désir de choisir, dans l’enseignement des diverses écoles, tout ce qui peut s’harmoniser en un même concert, les méditations des Néo-platoniciens le laissent constamment transparaître ; parfois, il s’affirme nettement.

Il possède, par exemple, Ammonius Sacras, qui fut l’un des fondateurs de la nouvelle école et le maitre de Plotin. « Suivant Ammonius-, si l’on débarrassait la philosophie de Platon et celle d Aristote des accessoires superflus dont on les avait chargées, et qu’on les réduisît à leur propre substance, on trouvait qu elles

1. Félix Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, Paris, Partie IV, 1 ivre J, chapitre III ; tome II, pp. 292-584. 2. F. Ravaisson, O/j. t. IJ, p. 872.