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LE NÉO-PLATONISME ARABE

donc, ici, la figure de l’Intelligence active, et la faculté visuelle est la figure de l’aptitude à connaître que possède l’Ame ; quant aux représentations qui sont dans l’imagination, elles sont figurées par ces objets sensibles qui, plongés dans les ténèbres, sont seulement sensibles et visibles en puissance ; enfin l’œil, dans l’obscurité, n’est, voyant qu’en puissance, et il ne passe à l’acte qu’à l’aide d’une cause qui est la lu mi ère du Soleil ; ainsi en est-il ici. » Touchant l’immortalité de l’Ame, Al GazAli va plus loin que la Théologie d’Aristote, plus loin même qu’Avicenne. Selon la lheo~ logie d’Aristote, l’Ame raisonnable, mortelle par elle-même, tenait son immortalité de l’union avec l’intelligence active impérissable. Au gré d’Avicenne, l’Ame, capable de persister même en 1 absence de l’intelligence active, trouvait, dans sa continuité avec celle-ci, une plus complète assurance contre la destruction. Al GazAli croit que l’Ame raisonnable est immortelle par elle-même ; ce que lui confère, après la mort, la communion à l’intelligence active, ce n’est pas la perpétuité qu’elle possède déjà, mais la félicité. « L’Ame, dit-il ’, sera heureuse par son aptitude à recevoir l’influence de l’Intelligence active ; elle se réjouira de son union avec cette Intelligence, car cette union est indissoluble ; elle sera débarrassée du soin de diriger le corps et de tout ce qui a rapport aux sens ; aussi le corps cessera-t-il de la tirer en arrière, de l’entraver, de mettre obstacle à la perfection de son union avec l’intelligence. Au moment oii la mort délivre l’Arne de l’occupation du corps, le voile est enlevé, l’obstacle tombe et l’union perpétuelle est accordée ; car l’Ame demeure toujours, et T Intelligence active demeure toujours, et l’influence coule de celle-ci avec une extrême largesse, car elle la tire d elle-même. L’âme, de son côté, est apte par elle-même à recevoir ce qui vient de l’Intelligence, car rien n’y met obstacle ; qu’est-ce, en effet, qui pourrait gêner cette influence, lorsque l’Ame est présentement et intimement unie à l’intelligence ?

» Au commencement de la vie], l’Ame a besoin du corps et des sens, afin de recevoir des images par leur intermédiaire, et de tirer ensuite, de ces images, des idées abstraites et universelles.... Mais après qu elle est parvenue à ce vers quoi elle tendait, ce qui avait servi d’aide pour y parvenir devient empêchement... » L’Ame est heureuse, et ce bonheur consiste en une jouissance plus grande qu’on ne peut dire. Gette jouissance, d’ailleurs, n’a d’autre cause que celle dont nous avons parlé. La jouissance, c’est i. Al GazAli, Op. laud„ lib. II, tract. II, cap. IV.