Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
463
LE NÉO-PLATONISME ARABE

qui possède en réalité cette possibilité, Al Gâzâli lui donne aussi le nom de matière (materia). « La possibilité d’exister, dit-il, a besoin d’un contenant ou d une matière en qui elle existe... La possibilité de toute chose qui commence d’être est dans sa matière ; la puissance de commencer est, pour cette chose, dans son sujet. » Que nous voici loin de la doctrine d’Aristote ! La matière, ce n’est plus quelque chose qui existe en puissance et qui ne saurait être une substance douée d’existence propre ; la matière, c’est toute substance complète et vraiment existante à laquelle, par un jugement exact, on attribue la possibilité déprouver un changement. Si différente que cette matière-ci soit de celle-là. elles ont cependant, au sentiment d’AI Gâzâli, un caractère commun : La matière n’a pu commencer d’exister. « Eu effet, avant de commencer, tout ce qui commence d’être, existe en puissance ; c’est à-dire qu’avant qu’il commence, il peut commencer ; la possibilité de commencer précède le commencement de l’existence. » Or cette possibilité de commencer, il lui faut, nous l’avons vu, un sujet substantiellement existant. Donc le commencement de quelque chose que ce soit suppose la préexistence d’une autre substance. « Sinon, lorsque nous disons de telle chose qui a commencé d’être : Avant que cette chose commençât, il était possible qu elle commençât, nous dirions une phrase qui ne signifierait rien ; car la possibilité, c’est la désignation de la chose qui devient autre chose (possibililas est désignât™ rei quæ fit)-, avant donc que la première de ces deux choses ne soit, elle ne peut être le sujet d’aucune désignation. »

A côté de cette matière (materia) qui est une substance réelle, sujet auquel un jugement de notre intelligence attribue la possibilité d’un certain changement, Avicenne et Al Gâzâli considèrent un tout autre principe auquel le premier de ces philosophes attribue indifféremment les noms de Materia et de Hyle mais auquel le second, que nous imiterons en cela, réserve exclusivement le nom de Hyle. C’est la Hy !e, et non pas le sujet de la possibilité, <pii s’oppose à la forme.

Tout corps, dit Al Gâzâli, est une chose continue et, en même temps, c’est une chose qui est susceptible de division. En tout corps, donc, il y a, d’une part, une possibilité de demeurer continu ou d’être partagé de diverses manières, et, d’autre part, une continuité actuelle. « Ce qui est susceptible de recevoir soit t. Philosophia Algazelis, Lib. I, tract. I, cap. IH : De diversilate sciendi de uni versitate corpocis.