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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

grandeur bornée du Monde, les enseignements d’Aristote, la réponse d’Al Gazàli, identique à la réponse de Saint Augustin, était, semble-t-il, sans réplique ; dans la doctrine du Stagirite, c’est une inconséquence qui permet seule de maintenir l’éternité du Monde ; presque tous les arguments donnés contre la grandeur infinie de 1’1 nivers peuvent servir, à peine modifiés, à montrer que la durée dû ce même Univers n’est pas infinie. Entre les deux problèmes de l’étendue de I l nivers et la durée de l’Univers, il y a comme une étroite parente ; îl semble que tout système philosophique conséquent avec lui-même doive, de ces deux problèmes analogues, donner des solutions analogues ; s’il admet que le Monde est éternel, il admettra également rpie le Monde s’étend à l’infini ; ou bien, à nu ensemble de choses créées d’une durée bornée, il attribuera aussi une grandeur bornée. Cotte affinité entre les deux questions que l’esprit sc pose touchant l’étendue du Monde et touchant la durée du Monde se trouve entièrement méconnue parla Physique d’Aristote et par la plupart des Physiques qui s’y rattachent ; assurément, c’est un des points faibles de ces philosophies ; ce point faible, la pénétrante critique d’Al Gazàli, suivant, sans doute à son insu, la tradition de Saint Augustin, a fort bien su le découvrir et le prendre pour but de ses traits.

La critique d’Al Gazàli sc trouve maintenant aux prises avecnu nouvel argument favorable à l’éternité du Monde1. « Tout ce qui est innové, disent les Philosophes, est précédé par une matière, car l’innovation requiert une matière ; la .Matière même ne peut donc être innovée ».

Cet argument était né dans la Physique d’Aristote. Tout ce qui commence d’être en acte, disait cette Physique, existait auparavant en puissance ; si l’existence en acte peut donc avoir un commencement, l’existence en puissance n’en a. pas ; or, c’cst cette existence eu puissance qui est la Matière, en sorte que la Matière existe par soi et de toute éternité.

La philosophie d’Avicenne avait garde < <d argument, mais en le modifiant. Avant d’exister réellement par l’action de sa cause, disait cette philosophie, une chose est possible ; la possibilité esl un attribut (jue confère un jugement de l’esprit : mais cet attribut, on ne le peut conférer qu’à un support, à un sujet déjà existant ; ce sujet (pii préexiste à une chose, et au sein duquel l’esprit discerne la possibilité de cette chose, c’en est la matière. A toute chose I

i, Averroès, loe. cit.9 vingt-neuv iènie : Ait Algazel,