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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

tard, en 1266, il adressait son Opus malus au pape Clément IV ; dans cet ouvrage, il insistait avec force et vivacité[1] sur la nécessité d’un calendrier exact, tant pour la fixation de la chronologie que pour la juste disposition des fêtes de l’Église ; il signalait les inexactitudes et les incertitudes du calendrier julien ; malheureusement, en adjurant le pape de préparer la réforme du calendrier, il ne lui fournissait point le moyen d’accomplir cette œuvre d’une manière satisfaisante.

Et, à vrai dire, ce moyen, il n’était pas au pouvoir de Bacon de l’indiquer au pape. L’Astronomie qu’il connaissait, celle, partant, que connaissaient les Latins de son temps, car il était le plus instruit d’entre eux, ne proposait encore aucune table astronomique plus précise que les Tables de Tolède ; et, d’autre part, les défauts de ces tables étaient déjà manifestes aux yeux des observateurs ; elles n’eussent donc permis qu’une réforme prématurée du calendrier, et qu’il eût bientôt fallu corriger par une nouvelle retouche.

Bacon, d’ailleurs, tout en désirant avec une extrême ardeur rétablissement d’un calendrier exact, reconnaissait l’imperfection des connaissances astronomiques qu’il fallait rendre précises avant que la réforme du calendrier devînt possible. Après avoir construit une table relative à la fixation de la fête de Pâques, il ajoutait[2] ; « Je ne propose pas cette table pour fixer cet objet d’une manière certaine, mais à titre d’exemple, afin qu’on voir de quelle manière on peut, en un tel sujet, persuader la vérité. La fixation certaine, en effet, est fort difficile pour cette raison que les mouvements des cieux ne sont pas déterminés avec une entière certitude, et l’on ne peut, dans ce cas là, regarder des tables quelconques comme suffisantes. »

Bacon se montrait plus confiant mais, à vrai dire, trop confiant en la puissance de l’Astronomie de son temps lorsqu’il écrivait, dans un autre endroit de L’Opus majus[3] : « Les Chrétiens ont déjà, de l’Astronomie, une expérience à l’aide de laquelle la vérification peut être effectuée. Votre Révérence peut donc lancer des ordres ; Vous trouverez des hommes capables d’apporter, en cette partie, d’admirables remèdes ; et ils en apporteront non seulement aux défauts susdits, mais aux autres défauts de l’ensemble

  1. Fratris Rogeri Bacon, Ordinis Minorum, Opus majus ad Clementem quartum, Pontificem Romanum. Edidit S. Jebb, Londini, 1738 ; pp. 117-131 et pp. 169-180 ; éd. Bridges, London, Edimburgh and Oxford, 1900, vol, I, pp. 195-210, et pp. 269-285.
  2. Rogeri Bacon Op. laud., éd. Jebb, p. 130 ; éd. Bridges, vol. I, p. 208.
  3. Rogeri Bacon Op. laud., éd. Jebb, p. 180 ; éd. Bridges, vol. I, p. 285.