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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/108

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

« La terre est dure, dit-il[1] ; elle ne peut, comme l’eau, se déplacer de côté et d’autre ; ses parties ne peuvent se mouvoir les unes les autres ; elle ne peut rejeter tout défaut de courbure et prendre, comme l’air et l’eau, la figure sphérique. L’eau coulant des parties les plus élevées de la terre vers les parties les plus basses, certains lieux se trouvent exposés, nus, au contact de l’air. »

À cette considération purement mécanique, Al Gazâli, comme les Frères de la Pureté, joint une réflexion finaliste :

« C’est en vertu de la Cause divine qu’il dut en advenir ainsi. En effet, pour la conservation de leur respiration, les animaux composés et nobles avaient besoin de s’alimenter d’air ; c’était nécessaire pour que ce qu’il y a en eux de terrestre s’y trouvât dominer et qu’ils subsistassent selon leur savante conformation. Partant, pour que l’existence des animaux nobles atteignît sa perfection, il a fallu qu’en certains lieux, la terre fût exposée nue au contact de l’air. »

Averroès est essentiellement le Commentateur. Lorsqu’il expose quelqu’un des traités du Stagirite, il s’efforce de rendre parfaitement clairs les dires de ce traité ; mais si ces dires sont ou semblent être en contradiction avec les propos qu’Aristote a tenus dans quelque autre livre, il est bien rare que le Philosophe de Cordoue paraisse se soucier de cette contradiction et qu’il s’efforce de la dissiper. Bien au contraire, la précision et la rigueur qu’il donne aux doctrines péripatéticiennes font souvent éclater les désaccords que les écrits d’Aristote laissaient seulement soupçonner.

Commente-t-il, par exemple, le Περὶ Οὐρανοῦ ? Très complètement et très clairement, il reprend les raisons que donne Aristote de la figure sphérique de l’eau[2] et de la terre[3]. La lecture de ces raisons ne peut nous laisser aucun doute sur le principe qu’elles invoquent, et ce principe est celui-ci : Tout grave, dans son mouvement naturel, cherche le centre du Monde, qui est son lieu naturel.

  1. Philosophia Algazelis. Lib. II ; tract. III : De compositis et commixtis ; speculatio secunda : De prima commixtione elementorum ; cap. II. Ed. Venetiis, 1506 ; 2e fol. après le fol. sign. g4, col. c.
  2. Averrois Cordubensis In Aristotelis libros de Cælo Commentarii magni, lib. II, Summa secunda, quæsitum tertium, comm. 31. — In Aristotelis libros de Cælo Paraphrasis, lib. II, summa secunda, quæsitum tertium.
  3. Averrois Cordubensis In Aristotelis libros de Cælo Commentarii magni, lib. II, summa quarta, cap. VII ; comm. 107. In Aristotelis libros de Cælo Paraphrasis, lib. II, summa quarta, cap. VII.