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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/11

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

portaient à voir, dans la marée, deux courants, deux écoulements de sens contraire, un flux et un reflux, bien plutôt qu’une intumescence soulevée par l’action lunaire, On conçoit donc que des hommes habitués à observer la mer, un Adélard de Bath, par exemple, aient préféré la théorie de Macrobe à celle de Pline.

Mais, d’autre part, un observateur ne pouvait guère méconnaître la liaison constante qui unit les périodes de la marée au cours de la Lune ; il devait donc être porté à joindre l’explication lunaire aux explications de Paul Diacre et de Macrobe ; simple juxtaposition dans les écrits de Guillaume de Conches et du Solitaire auquel nous devons le De imagine mundi, cette jonction devenait une sorte de synthèse dans les écrits de Giraud de Barri.

Le discrédit total ou partiel qui avait, pour un temps, frappé la théorie lunaire de la marée prit fin lorsque les Chrétiens d’Occident se mirent à étudier l’Introductorium magnum in Astronomiam Albumasaris Abalachi qu’Hermann le Second avait traduit en 1140. Dans ce traité, Abou Masar s’efforçait de rattacher à l’action de la Lune la plupart des variations que présentent le flux et le reflux de la mer. Une doctrine si ample et si minutieusement détaillée ne pouvait manquer de solliciter vivement l’attention des docteurs du Moyen Âge. Un siècle s’écoule, toutefois, à partir du moment où Hermann mit en latin l’Introductorium in Astronomiam avant que nous trouvions un auteur qui tire de cet ouvrage sa science au sujet de la marée, et qui l’avoue ; cet auteur, chez qui nous reconnaissons, pour la première fois, l’enseignement d’Albumasar, c’est Guillaume d’Auvergne.

Dans son grand traité Sur l’Univers, Guillaume consacre un chapitre entier à l’étude de la marée[1]. Citons-en les principaux passages, pour les commenter ensuite.

« On me demandera peut-être, écrit Guillaume, de quelle manière la Lune augmente ou diminue la mer. Je dis que la mer semble augmentée ou diminuée bien qu’en vérité, elle ne soit ni accrue ni diminuée ; ainsi en est-il de l’eau bouillante ; elle n’est pas augmentée par l’ébullition ; elle est, au contraire, diminuée ; cependant, elle paraît augmentée à cause de l’ébullition et de la boursouflure (exundatio) ; le vase qu’elle ne rem-

  1. Guillelmi Parisiensis De Universo primæ partis principalis pars I (Guillelmi Parisiensis Opera, éd, 1516, tract, : III, cap. XXXIX, fol. cxxviii, col. d, et fol. cxxix, col. a).