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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/118

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

au corps dont elle est la surface, elle a une forme contraire au corps logé et capable, peut-être, de détruire ce corps ; si on la rapporte, au contraire, à la distance du lieu auquel elle sert de terme, en tant qu’il est lieu, elle possède en elle-même des propriétés et des forces susceptibles de perfectionner, de conserver et de contenir le corps logé. »

Albert exprime sa pensée avec quelque obscurité ; il semble cependant qu’on la puisse tirer au clair, et cela de la façon suivante :

Autour du centre du Monde, on peut décrire une certaine surface sphérique dont le volume sera ce que nous nommerons le nlilieu du Monde.

Cette surface sphérique sera ou pourra être la surface interne de l’espace occupé par l’eau ; mais ce n’est pas ainsi que nous la considérons lorsque nous disons qu’elle est le lieu naturel de la terre.

Abstraction faite de la relation qu’elle a ou peut avoir avec l’élément de l’eau, cette surface est douée de certaines propriétés, est capable d’exercer certaines forces ; par ces propriétés, par ces forces, elle a une certaine similitude avec la terre, elle peut retenir la terre, la conserver, l’amener à sa perfection ; par ces propriétés, par ces forces, donc, elle joue, à l’égard de la terre, le rôle d’une forme. Lorsque la terre se meut de mouvement naturel, elle tend à se loger à l’intérieur de cette surface, afin d’y trouver les actions qui la conserveront et la rendront plus parfaite ; elle se meut donc vers le milieu du Monde comme une matière se meut vers sa forme. Et lorsqu’elle se meut ainsi vers son lieu naturel, ce n’est pas pour se trouver au contact de l’eau ; c’est pour se trouver contenue dans la surface sphérique qui lui est, en quelque sorte, congénère.

Ainsi, autour du centre du Monde, quatre surfaces sphériques ont été tracées ; la première a été douée de propriétés et de forces qui la rendent capable de conserver et de perfectionner la terre ; la seconde est prédisposée de même à l’égard de l’eau, la troisième à l’égard de l’air, la quatrième à l’égard du feu ; chacune d’elles est, à l’un des éléments, ce qu’une forme est à une matière ; et c’est pourquoi chacun des éléments trouve son lieu naturel dans l’un des volumes que délimitent ces sphères.

Cette interprétation de la pensée d’Aristote déforme assurément cette pensée ; elle la déforme, afin de s’écarter de l’interprétation, autrement exacte, d’Averroès, qui ramenait la