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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/135

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

à en être le plus voisin possible ; concevons donc que la susdite allure ne saurait convenir à la sphère de l’eau, car rien n’empêcherait les eaux soulevées de redescendre à leur sphère ; en effet, lorsqu’elles résident dans leur sphère, elles sont plus voisines du centre que lorsqu’elles sont soulevées au-dessus de cette sphère.

» Ainsi donc la partie de la terre qui apparaît a surgi au milieu de l’universalité des eaux, comme en plusieurs endroits, des îles surgissent au-dessus de la mer ; et de même qu’à proprement parler, toute île, en ses diverses parties, est plus éloignée du centre que les diverses parties de la surface de la mer, de même les diverses parties de la terre ferme sont plus distantes du centre que les diverses parties de la surface des mers. La terre ferme tout entière est donc comme une très grande île soulevée, au sein de l’air, au-dessus de la surface de la mer.

» En résumé, la surface de l’universalité des eaux est exactement sphérique ; son centre est le centre de la sphère qui serait naturelle à la terre ; c’est aussi le centre des deux autres sphères élémentaires, des sphères de l’air et du feu. »

La pensée de Campanus est si clairement exprimée qu’il est inutile de la commenter. Elle est, on le voit, extrêmement voisine de celle qu’Al Gazâli avait conçue. Il est un seul point sur lequel le chapelain d’Urbain IV ne s’explique pas, De quelle manière l’équilibre de la terre, pesante demeure-t-il assuré après le soulèvement qui a fait émerger les continents ? Quelle position occupe alors la masse terrestre par rapport au centre du Monde ? C’est un problème de Mécanique qu’il n’examine pas. De l’apparition et de la persistance de la terre ferme, il a donné une cause finale, une explication qui invoque la puissance surnaturelle de Dieu ; il n’en a pas cherché de cause efficiente.

En 1271, dans ses Gloses sur la Sphère de Joannes de Sacro-Bosco, Robert l’Anglais mentionne, lui aussi, cette cause finale de l’existence des continents ; mais il en propose, en outre, des causes efficientes. C’est dans sa seconde glose sur le premier chapitre du Traité de la sphère que nous lisons les lignes suivantes[1] :

« La seconde remarque qu’il nous faut faire est relative à la situation des éléments.

1. Tractatus de spera Jo. de Sacro Boscho cum glosis Ro. Anglici. Cap. I, glosa II ; Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. n° 7.392, fol. 6, col. a et b.

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