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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/136

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

» Tout élément est ou bien grave au plus haut point, ou bien léger au plus haut point, ou bien relativement grave, ou bien enfin relativement léger. S’il est grave au plus haut point, il est, comme la terre, au centre du Monde ; il n’est pas, en effet, de point qui soit, plus que le centre, éloigné du lieu des choses légères. S’il est léger au plus au point, il se trouve au-dessous du dernier ciel, comme le feu, car le lieu le plus élevé est sous le ciel. S’il est relativement grave, il réside, comine l’eau, au-dessus de la terre. Enfin, s’il est relativement léger, il se trouve, comme l’air, au-dessous du feu et au-dessus de l’eau.

» Remarquez en troisième lieu que tous les éléments, à la façon de globes, entourent la terre de toutes parts, à l’exception de l’eau. De cette exception, on peut donner trois raisons.

» La première est la volonté divine, en vue de la conservation de la vie des animaux.

» La seconde est la sécheresse de la terre, qui boit certaines parties de l’eau. Il est dit, en effet, au traité De la génération et de la destruction, que si la terre n’était pas mêlée à l’eau, elle tomberait en poussière.

» La troisième raison, c’est l’influence des étoiles ; une certaine conjonction d’étoiles au-dessus d’une certaine partie de la terre fait que celle-ci reste sèche. On en trouve un signe en ceci que certains lieux qui se trouvaient habituellement submergés, sont maintenant desséchés, comme on le voit en certaines parties de l’Angleterre. »

Nous avions déjà rencontré les deux premières explications ; la troisième, l’explication astrologique, se présente pour la première fois à nous ; en devons-nous conclure qu’elle soit nouvelle ? Gardons-nous-en ; Robert l’Anglais se borne certainement à reproduire une opinion qui avait cours fort avant lui. Il fallait bien, en effet, qu’ils missent au compte des étoiles l’émergence de la terre ferme, ceux qui regardaient le déplacement lent des continents et des mers comme lié au mouvement séculaire du ciel des étoiles fixes ; or cette doctrine avait trouvé de très bonne^heure des partisans[1], puisque les Frères de la Pureté l’exposent comme vérité certaine, tandis que le Livre des éléments s’attache à la réfuter en détail ; Al Bitrogi, d’ailleurs, l’avait reprise et lui avait valu un regain de faveur.

  1. Voir : Première partie, ch. XII, § V ; t. II, pp. 217-221.