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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/142

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

ou le lieu de la terre à l’entour du centre du Monde. En effet, bien qu’à l’égard des éléments inférieurs, l’eau soit un élément matériel, elle est cependant plus formelle que l’élément terrestre ; elle a donc droit à un lieu plus étendu.

» Selon d’autres personnes, il en est au contraire, parce que les eaux, lorsqu’elles se sont rassemblées en un même lieu, se sont contractées ; par sa nature abstraite, l’eau devrait, sous forme d’une couche sphérique, contenir en elle la terre entière ; mais en vue de la génération des êtres d’ici-bas, l’ordre de Dieu la contient en une certaine partie de la terre ; et, comme nous l’avons dit, cela n’est point contre nature.

» De ces deux opinions, quelle est la plus vraie ? Il n’y a, jusqu’ici, rien de certain à ce sujet. »

Des deux opinions présentées par Bernard, la seconde se pouvait lire dans la Somme d’Alexandre de Haies. De ces mots de la Genèse : « Que les eaux se réunissent en un lieu unique », après une interprétation métaphorique empruntée à Saint Augustin, Alexandre proposait l’explication suivante[1] :

« Selon l’avis d’autres personnes, on peut dire encore que ce rassemblement a consisté, d’une part, en une condensation, d’autre part, en une raréfaction ; de la part de l’air, il y a eu raréfaction et occupation d’un lieu plus étendu ; de la part de l’eau, il y a eu condensation et occupation d’un moindre lieu. »

Bernard de Trille n’a pas décidé si le volume de l’eau était ou non plus grand que celui de la terre ; il ne décidera pas davantage[2] si la surface de l’eau est plus élevée ou moins élevée que la surface terrestre. Il est assez érudit pour connaître les diverses opinions entre lesquelles hésitaient ses contemporains ; il n’est pas d’assez puissant génie pour résoudre ces hésitations en certitudes.


VII
RISTORO D’AREZZO


Les divers traités de la Sphère ont mis sous nos yeux un grand nombre d’explications de ce fait que l’eau, loin d’entourer la terre de tous côtés, laisse certains continents à découvert.

  1. Alexandri de Ales Summa, pars II, quæstio LI, membrum primum.
  2. Ms. cit., fol. 75, col, c et d.