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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/143

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Ces explications peuvent se grouper sous cinq chefs principaux.

En premier lieu, certains auteurs, pour rendre compte de l’existence de la terre ferme, recourent à des actions physiques semblables à celles que nous observons tous les jours, la chaleur du Soleil, par exemple, ou la sécheresse de la terre ; c’est ce que nous nommerons les moyens communs.

D’autres, au contraire, qui forment une seconde catégorie, se contentent d’invoquer une cause finale ; la terre ferme existe en vue des plantes, des animaux et de l’homme ; ils font intervenir directement la volonté du Créateur.

Un troisième parti pense que la nature propre des éléments exigerait le complet recouvrement de la sphère terrestre par l’orbe de l’eau ; mais ils pensent aussi que cette nature propre est subordonnée à une nature universelle, chargée de mettre dans le Monde l’ordre le plus parfait ; c’est cette nature universelle qui découvre une partie de la terre.

Un quatrième parti, enfin, met au compte des actions astrologiques l’émergence des continents.

Jusqu’au milieu du xive siècle, nous allons voir les divers physiciens adhérer soit à l’une, soit à l’autre de ces solutions ; quelques-uns même, embarrassés pour faire leur choix, les présenteront toutes ensemble ou bien regarderont plusieurs ’d’entre elles comme équivalentes.

Ristoro d’Arezzo ne connaît pas ces hésitations ; il est partisan résolu de la théorie astrologique ; si l’eau ne couvre pas la terre en entier, la cause en est l’action des étoiles ; ce principe, il ne le met pas en doute, il ne le discute pas ; il n’a souci que d’en préciser les détails.

Si la terre[1] n’était pas découverte d’eau en quelques-unes de ses parties, le ciel ne pourrait jouer ici-bas son rôle, qui est de déterminer la génération des êtres vivants ; il va donc maintenir sèche une partie de la terre.

« Voyons sous quelle partie du ciel la terre pourra se trouver découverte, quelle partie du ciel la pourra découvrir et maintenir découverte. »… Il est raisonnable que la terre soit découverte du côté où le ciel est le plus fort et le plus plein de vertu. » Au gré de notre auteur, « cette partie du ciel qui est la plus dense, la plus forte, la plus puissante, celle qu’on peut avec raison nommer la partie supérieure, c’est la région septen-

  1. Ristoro d’Arezzo, Della composizione del Mondo ; Milano, 1864, Libre VI cap. I, pp. 145-147.