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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/160

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

insuffisante de l’état de la Science au voisinage de l’an 1320.

Pour nous, nous nous garderons de prendre parti dans cette discussion. Si nous donnons le nom de Dante Alighieri à l’auteur de la Quæstio de duobus elementis, ce sera simplement pour nous conformer au texte que nous allons analyser, mais sans assurer qu’aucun faussaire n’a corrompu ce texte. Nous verrons que la Question de l’eau et de la terre reprend et résume, d’une façon remarquablement complète, le débat dont les pages précédentes retracent l’histoire.

Selon l’usage scolastique, Dante commence par énumérer les raisons favorables à la thèse qu’il veut combattre, et cette thèse, c’est celle-ci : La mer est plus élevée que la terre, car la surface sphérique qui borne l’eau n’a pas même centre que la terre.

Les raisons qu’il énumère sont celles que les traités du xiiie siècle, du commencement du xive siècle avaient accoutumé d’invoquer. Celle-ci, par exemple[1], invoque les principes et presque les termes dont se servait Saint Thomas d’Aquin[2] :

« Au corps le plus noble est dû le lieu le plus noble ; or un lieu est d’autant plus noble qu’il est plus élevé, car il est alors plus voisin du contenant le plus noble, qui est le premier ciel ; il faut donc que le lieu de l’eau soit plus élevé que le lieu de la terre et, partant, que l’eau soit plus élevée que la terre, puisque le lieu et le corps logé ont même situation. »

Ce langage de Saint Thomas, Graziadei d’Ascoli le reprendra bientôt en le développant.

Que l’eau soit plus haute que la terre, cela est prouvé[3] « par l’expérience des navigateurs qui, en mer, voient les montagnes au-dessous d’eux ; la preuve en est qu’en montant au sommet du mât, ils voient ces montagnes que, du pont du navire, ils n’apercevaient pas. »

De même[4], « si la terre était plus haute que l’eau, la terre serait absolument sans eau, du moins dans sa partie découverte... Il n’y aurait ni sources ni fleuves ni lacs. » Gilles de Rome, qui poursuivait le même but que Dante, avait pris soin, lui aussi, dans ses Questions sur le second livre des Sentences, de citer et de réfuter ces raisons.Des arguments énumérés par la Quæstio de duobus elementis,

  1. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 4 ; éd. cit., p. 6.
  2. Vide supra, pp. 122-123.
  3. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 5 ; éd. cit., pp. 6-8.
  4. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 6 ; éd. cit., p. 8.