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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/161

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

il en est un seul que nous n’ayions pas rencontré dans les divers écrits que nous avons parcourus, et c’est celui-ci[1] :

« L’eau paraît suivre surtout le mouvement de la Lune, comme on le voit par le flux et le reflux de la mer ; mais l’orbe de la Lune est excentrique ; il semble donc raisonnable que l’eau imite, en sa sphère, l’excentricité de l’orbe lunaire, et, par conséquent, qu’elle soit excentrique ; or cela ne peut être à moins qu’elle ne soit plus élevée que la terre. »

À tous ces arguments, Dante répond fort sagement par la raison suivante[2] :

« Le contraire nous est prouvé par le sens. Sur toute la terre, en effet, nous voyons les fleuves descendre vers la mer, aussi bien vers la mer méridionale que vers la mer septentrionale, vers la mer occidentale que vers la mer orientale, ce qui ne serait pas si les sources des fleuves et les trajets de leurs lits n’étaient point plus élevés, que la surface de la mer. »

Mais, cette preuve fournie par l’observation, il va la seconder par le raisonnement.

« Si l’eau, considérée dans sa circonférence[3], était, en quelque point, plus élevée que la terre, cela aurait lieu nécessairement de l’une de ces deux manières, ou bien parce que l’eau serait excentrique…, ou bien parce que, étant concentrique, elle aurait quelque gibbosité, par laquelle elle s’élèverait au-dessus de la terre. »

Ces deux propositions, Dante va démontrer qu’elles sont insoutenables. « Pour l’évidence de ce qui sera dit[4], il faut supposer deux choses ; la première, c’est que l’eau se meut naturellement vers le bas ; la seconde, c’est que l’eau est un corps naturellement instable (labile) et qui ne s’impose pas à lui-même une borne. »

À partir de ces postulats, l’auteur développe longuement les démonstrations promises, à l’exemple de celle qu’Aristote avait donnée au Περὶ Οὐρανοῦ et que tant de commentateurs avaient, depuis, reproduite.

La terre, elle aussi, doit être, en tout point, équidistante du centre du Monde. « Admettons[5], en effet, le contraire ou l’opposé de cette proposition, et disons qu’elle en est inégalement distante ; supposons que, d’un côté, la distance de la surface de

  1. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 7 ; éd. cit., p. 10.
  2. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 8 ; éd. cit., p. 10.
  3. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 10 ; éd. cit., p. 18.
  4. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 11 ; éd. cit., p. 14.
  5. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 16 ; éd. cit., p. 26.