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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/221

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

actuelle, il n’exerce plus aucune pression sur les corps qui se trouvent au-dessous de lui. « Si les parties centrales de la terre sont plus denses, ce n’est pas qu’elles soient comprimées par celles qui se trouvent au-dessus d’elles, car les parties supérieures ne pèsent pas sur les parties inférieures — Partes centrales terræ non propter hoc sunt dempsiores quod comprimantur a superioribus, nam superiores non ponderant super ipsas. »

Ce que nous venons de dire de la terre, nous pouvons, bien entendu, le répéter de l’eau[1]. « Les parties supérieures de l’eau ne compriment ni ne pressent les parties inférieures — Aquacujus partes superiores non comprimant nec deprimunt inferiores. »

Par sa distinction de la gravité habituelle et de la gravité actuelle, Albert de Saxe n’entend pas justifier F Hydrostatique d’Archimède, dont il n’a, d’ailleurs, jamais ouï parler ; ce qu’il défend, c’est l’Hydrostatique de Ptolémée et de Héron d’Alexandrie.

Si l’eau, quand elle réside en son lieu propre, est incapable de comprimer l’eau qui se trouve au-dessous d’elle, il va de soi qu’elle est également incapable d’exercer la moindre pression sur la terre sous-jacente. La terre se mettra donc en équilibre comme si l’eau qui la recouvre en partie n’existait pas ; au centre du Monde, elle placera son propre centre de gravité, et non pas le centre de gravité de la masse qu’elle forme avec l’eau sur la terre ainsi disposée et que sa présence n’ébranle pas, l’eau coulera de manière à se rapprocher le plus possible du centre du Monde, sans se soucier de la position prise par le centre de gravité de l’agrégat qu’elle forme avec la terre. C’est l’enseignement que nous avons entendu de la bouche de Buridan ; c’est celui qu’Albert de Saxe va nous répéter.

« Une partie de la terre, dit-il[2], émerge des eaux ; la terre, en effet, n’est pas uniformément grave, en sorte que son centre de gravité se trouve fort au-dessous de son centre de grandeur ; il est beaucoup plus près de l’une des calottes convexes qui limitent la terre que de l’autre ; alors l’eau, qui est uniformément grave et qui tend au centre du Monde, coule vers la calotte terrestre qui est la plus voisine du centre de gravité de la terre ; de sorte que l’autre calotte, celle qui est la plus éloignée du centre de gravité, demeure découverte. »

1. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros de phgsico auditu, lib. IV, quæst. X.

2. Alberti de Saxonïa Quæstiones in libros de physieç auditu, lib. IV, quæst. V.

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