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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/234

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II


X
l’équilibre de la terre et des mers
selon pierre d’ailly


C’est aussi de cet enseignement que s’inspire Pierre d’Ailly. Ses Quatorze questions sur le Traité de la sphère de Joannes de Sacro-Bosco font des emprunts étendus et presque textuels aux Questions sur le Traité du Ciel composé par Maître Albert de Saxe.

Ces emprunts sont particulièrement nombreux et reconnaissables dans la discussion de la question qui est ainsi formulée[1] : « Le ciel et les quatre éléments ont-ils la forme sphérique ? » Parmi les remarques sur la sphéricité de la terre que l’Évêque de Cambrai tient d’Albertutius, il en est une qui mérite d’être reproduite, et c’est celle-ci :

« On peut, de la manière suivante, faire l’expérience de la rotondité terrestre : Qu’un homme se déplace à la surface de la iterre, à partir d’un certain point, vers le Midi, qu’il voie de quelle quantité la hauteur du pôle a changé et qu’il mesure le chemin parcouru ; puis qu’il continue son chemin jusqu’à ce que la hauteur du pôle ait subi une seconde variation égale à la première ; si le second chemin parcouru est égal au premier, il faut nécessairement que la terre soit sphérique. »

Cette remarque pose, peut-on dire, le problème fondamental de la Géodésie ; nous l’avons entendue[2] de la bouche d’Albert de Saxe ; les XIV Quæstiones ont assurément contribué, autant et peut-être plus que les Quæstiones in libros de Cælo, à la répandre parmi les astronomes.

Il est cependant un point essentiel où Pierre d’Ailly s’écarte de l’enseignement d’Albert de Saxe ou, du moins, de ce qui fut renseignement définitif de ce maître.

Quel point se trouve au centre du Monde ? Est-ce le centre de gravité de la terre seule ou le centre de gravité de l’agrégat formé par l’eau et par la terre ? Jean Buridan et Nicole Oresme avaient admis la première opinion sans accorder même une mention à la seconde ; c’est celle-ci qu’Albert de Saxe avait professée dans ses Questions sur la Physique, mais, dans ses

  1. Petri de Alliaco Quatuordecim quæstiones in Spharam, quæst, V.
  2. Voir ppg|205-206.