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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/247

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

propre, se meut vers le haut… ; il emporte avec lui une grande quantité de l’élément terrestre ; il se fraye la voie la plus courte possible, tandis qu’en même temps, la terre semble faire éruption. Ainsi l’élément terrestre, contraint de suivre l’élément igné qui fait éruption, s’élève à une très grande hauteur, en même temps qu’il se resserre de plus en plus, pour finir en une pointe acérée, à l’imitation de la nature ignée. »

Dans ces montagnes d’origine ignée, deux tendances contraires se combattent sans cesse ; la légèreté du feu qui demeure mêlé à la terre tend à soulever sans cesse le sommet de l’éminence déjà produite ; au contraire, la lourdeur des matières terrestres tend à ramener cette éminence au niveau général du sol ; par l’équilibre de ces deux forces opposées, la cime de la montagne demeure toujours à’la même hauteur. « Les torrents que les pluies engendrent ne détruisent donc pas les montagnes ; et l’on ne saurait s’en étonner, puisque la force qui les maintient, qui est la force qui les soulève, se trouve impliquée en elles de la manière la plus constante et la plus puissante. Si le lien qui en resserre les parties venait à se rompre, il est certain qu’elles se désagrégeraient et se dissémineraient au sein des eaux ; mais actuellement, cimentées par la puissance du feu, elles opposent une opiniâtre résistance aux chutes continuelles des eaux.

» La nature des montagnes est toute semblable à celle des arbres ; à certaines époques, les arbres perdent leurs feuilles ; à d’autres époques, ils reverdissent ; de même, tour à tour, certaines parties des montagnes s’écroulent et d’autres prennent naissance. »

C’est d’une manière analogue que Théophraste, développant ce qu’avait dit Aristote, réfute le second argument de ceux qui attribuent au Monde un commencement et une fin. Il ne nie point l’émersion de terres autrefois immergées, mais il refuse d’y voir la preuve d’un incessant décroissement de la mer. Tandis que certaines terres surgissent du sein des flots, d’autres s’enfoncent dans la mer et disparaissent ; la Sicile, autrefois, était unie à l’Italie ; près du Péloponèse, trois villes, Ægire, Bure et Hélice, se sont, dit-on, abîmées dans les flots ; Platon a conté, dans le Timée, comment l’Atlantide fut engloutie en une seule nuit. « L’argument tiré de la diminution continuelle de la mer ne peut donc servir à prouver la fin du Monde ; s’il est véritable, en effet,’que la mer se retire en certains paragés, il est non moins certain qu’en d’autres lieux, elle s’avance et submerge les terres, »