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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/255

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’une manière explicite leur opinion à cet égard, Straton de Lampsaque et Strabon attribuaient visiblement une origine très différente aux coquilles qu’ils avaient pu découvrir en des terrains fort éloignés de la mer. L’histoire de la Géologie primitive nous montrera la longue hésitation de l’esprit humain entre ces deux hypothèses, l’une selon laquelle les coquilles fossiles résident aux lieux mêmes où ont vécu les mollusques qu’elles revêtaient, l’autre selon laquelle ces coquilles ont été charriées, puis délaissées par des inondations temporaires.

C’est la première opinion que semble admettre Ovide.

Le poète, au XVe livre de ses Métamorphoses, met dans la bouche de Pythagore le récit des changements incessants dont le Monde est le théâtre : « J’ai vu la mer, dit le philosophe, aux lieux où s’étendait autrefois le sol le plus ferme ; j’ai vu des terres qui étaient sorties du sein des flots ; bien loin de la mer gisent des coquilles marines, et une ancre antique a été trouvée au sommet d’une montagne ; là où s’étalait une plaine, le cours des eaux a tracé une vallée, tandis que le ravinement des torrents aplanissait les montagnes.


» Vidi ego, quod fuerat quondam solidissima tellus,
Esse fretum ; vidi factas ex æqtiore terras ;
Et procul a pelago conchæ jacuere marinæ,
Et vetus inventa est in montibus anchora summis,
Quodque fuit campiis vallem decursus aquarum
Fecit, et eluvie mons est deductus in æquor. »


Olympiodore va jusqu’à l’extrême limite de l’opinion contraire. Il ne veut pas[1] accorder au Stagirite que le Delta du Nil et la basse Égypte aient été, autrefois, le fond d’une mer ; il y veut séulement voir d’antiques marécages que les alluvions du Nil ont peu à peu comblés et asséchés. « Sans doute, ajoute-t-il, on trouve, en cet endroit, des tests de coquillages ; mais cette raison ne démontre pas d’une manière nécessaire que l’Égypte ait été, autrefois, recouverte par la mer. On trouve, en effet, de ces sortes de coquilles au sommet de très hautes montagnes fort éloignées de la mer ; peut-être est-ce par l’effet de vents très violents qui les ont enlevées le long des plages de la mer et les ont projetées jusqu’aux plus hautes cimes des montagnes. » Cette malencontreuse supposition d’Olympiodore n’a pas, semble-t-il, trouvé grand crédit ; les coquilles fossiles conti-

  1. Olympiodori philosophi Alexandrini In metcora Aristotelis commentarii... Venetiis, apud Aldi fllios, MDLI ; lib. I, act. XVII, fol. 31, recto. — Olympiodori In Aristotelis meteora commentarla. Edidit Guilelmus Stüve. Berolini, MCM, p. 116.