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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/261

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Au premier chapitre de ce traité[1], il mentionne les écrits, venus à sa connaissance, où il était parlé des minéraux. Dans ce chapitre, il s’exprime en ces termes :

« Nous n’avons pas vu les livres d’Aristote sur ce sujet ; nous n’en avons vu que des extraits partiels. Ce qu’Avicenne a dit, au troisième chapitre du premier livre qu’il a composé sur ces questions, est loin d’être suffisant. »

Albert le Grand connaissait donc un ouvrage, qu’on disait être d’Avicenne, dont un chapitre traitait des minéraux, et il a fait usage de cet écrit, tout en le complétant.

Est-il possible de retrouver la trace de cet écrit d’Avicenne.

Le manuscrit no 16 142 (latin) de la Bibliothèque Nationale contient, comme dernier chapitre du quatrième livre des Météores d’Aristote, un paragraphe, intitulé De mineris, où la main d’un auteur arabe se traduit à chaque instant.

Dans ce paragraphe, que M. F. de Mély a publié[2], il est facile de reconnaître au moins un fragment de l’ouvrage qu’Albert le Grand attribuait à Avicenne.

Albert explique[3] comment, pour qu’une pierre se puisse former, il faut que la terre qui l’engendre soit mélangée d’eau. « Si l’élément humide, dit-il, ne se trouvait pas bien infus parmi les parties terrestres, s’il ne leur était pas adhérent, s’il s’évaporait tandis que la terre se coagule, il ne resterait qu’une poussière terreuse désagrégée. Il faut donc que cet élément humide soit collant et visqueux, que ses parties enlacent les parties terrestres comme se tiennent les maillons d’une chaîne. Alors l’élément sec retient l’élément humide, tandis que la liqueur humide, interposée entre les parties de l’élément sec, en assure la continuité. Et hoc testatur Avicenna cum dicit quod terra pura lapis non fit quia continuationem terra non facit sua siccitate sed potius comminutionem ; vincens enim in ea siccitas non permittit fieri conglutinationem. Rationem dicit idem philosophus quod aliquotiens desiccatur lutum, et fit medium inter lapidem et lutum, et deinde in spatio temporis fit lapis. Dicit iterum quod lutum aptius ad hoc quod transmutetur in lapidem est unctuosum ; quod enim taie non est comminutivum, sive com-

  1. B. Alberti Magni, Ratisponensis episcopi, De mineralibus, liber primus, tract. I, cap. I : De quo est intentio et quæ di Visio, modus et dicendorum ordo.
  2. F. de Mély, Le lapidaire d’Aristote (Revue des Études grecques, t, VII, 1894 p. 181).
  3. Alberti Magni Op. laud., lib. I, tract. I, cap. II : De materia lapidum.