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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/262

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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

minubile in pulverem, est propter facilem humiditatis separabilitatem ab eodem. »

Or, au texte du xiiie siècle qu’a publié M. de Mély, nous lisons[1] :

« La terre ne se change pas en pierre, car elle ne peut produire une agrégation continue, mais bien une désagrégation discontinue ; en elle, la sécheresse l’emporte et ne lui permet pas de souder entre elles ses diverses parties. Or les pierres se font de deux manières ; ou bien par soudure des parties ; c’est ce qui a lieu pour les pierres où la terre domine ; ou bien par congélation ; c’est ce qui a lieu dans les pierres où la terre est dominée par l’eau. Parfois, en effet, ce qui, tout d’abord, était" de la vase, se dessèche, devient quelque chose d’intermédiaire, entre la vase et la pierre, qui se change ensuite en pierre. La vase la plus apte à ce changement est celle qui est visqueuse, car elle est disposée à devenir masse continue ; celle qui n’est pas visqueuse, au contraire, se transformera en poussière.

» Terra pura lapis non fit, quia continuationem non facit, sed discontinuationem. Vincens in ea enim siccitas, non périmait eam conglutinari. Finut autem lapides duobus modis:ant conglutinatione, ut in quibus domina est terra ; aut congelatione, ut in quibus terra prædominatur. Aliquando enim desiccatur lutum primum, et fit quoddam quod est medium inter lutum et lapidem, quod deinceps fit lapis. Lutum vero huic transmutationi aptuis est uiscosum, quoniam continuativum ; quod enim taie non est comminutivum erit. »

Le rapprochement de ces deux citations ne saurait laisser place au doute ; nous aurons occasion de faire plus loin, en étudiant la Géologie d’Albert le Grand, un second rapprochement du même genre; mais il n’est pas nécessaire de l’attendre pour formuler notre conclusion : Le texte publié par M. de Mély appartient certainement au traité qu’Albert le Grand regardait comme œuvre d’Avicenne.

Au chapitre en question, Roger Bacon n’attribue pas l’origine que lui donnait Albert le Grand. Dans ses Communia naturalium, après un passage où les principes de l’Alchimie lui ont donné occasion de citer les noms d’Aristote et d’Averroès, il poursuit en ces termes[2] : « Silence aux sots qui abusent de

  1. F. de Mély, Op. laud., p. 186.
  2. Fratris Rogeri Bacon Communia naturalium, pars prima, dist. I, cap. II : De numéro et ordine scienüarum naturalium. (Bibliothèque Mazarine, ms. no 3.576, foll. 2 et 3.) Cf. Emile Charles, Roger Bacon, sa vie, ses ouvrages, ses doctrines. Bordeaux, 1861, p. 372.