Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

sortir de la plume du Stagirite. Est-il vraisemblable, par exemple, que cette plume ait pu écrire ceci : « L’alun et le sel ammoniac sont du genre sel, car, dans le sel ammoniac, le feu est pour une plus grande part que la terre, aussi se laisse-t-il sublimer en totalité ; ce sel est de l’eau à laquelle se trouve mêlée une fumée très sèche, de caractère fortement igné ; il est coagulé par la sécheresse. » « Alumen autem et sal armoniacum surit de genere salis, quia pars ignis in sale armoniaco est major quam terra, unde et totum sublimatur, et ipsum est aqua, cui admiscetur fumus, minium subtilis, multæ igneitatis, coagulatum ex siccitate ? » Dans ce passage, conservé par M. de Mély, ne subsiste-t-il pas autant de fumeuse Alchimie que dans tous les morceaux sacrifiés ?

Sans doute, les idées sur la génération des minéraux que défend le texte en question se rattachent bien aisément aux principes qu’a posés le troisième livre des Météores ; sans doute, encore, on y trouve un mot que les divers éditeurs ont orthographié optesis, ephtesis, eptesis, et qui est certainement le mot grec ἕψησις constamment employé aux Μετεωρολογικά ; mais ces remarques prouvent seulement que l’auteur du traité avait subi l’influence des écrits aristotéliciens ; ce n’est point pour embarrasser ceux qui veulent que cet auteur soit Avicenne ; les écrits authentiques d’Avicenne fourmillent de mots grecs déformés par leur transcription en Arabe.

Rien donc ne s’oppose à faire du traité Des minéraux, comme le voulait Albert le Grand, une œuvre d’Avicenne ; tout démontre, du moins, que c’est une œuvre d’origine arabe.

La discussion qu’on vient de lire montre qu’au Moyen-Âge, cet opuscule fut extrêmement lu. Il importe donc, pour retracer exactement l’histoire des doctrines géologiques à cette époque, de tenir grand compte des pensées que le livre d’Avicenne pouvait suggérer.

Or, nous y trouvons deux passages particulièrement intéressants.

L’un d’eux, qui se lit au premier chapitre[1], concerne la pétrification des animaux et des plantes ; le voici :

« Les pierres peuvent donc se former, à partir d’une boue visqueuse, par la chaleur du Soleil, ou bien à partir de l’eau que coagule une vertu sèche et terrestre ou une cause de chaleur et de sécheresse. De même certains végétaux et certains animaux

  1. F. de Mély, Op. laud., p. 187.