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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/305

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

de sa partie découverte, les parties de la surface découverte qui sont plus fragiles et plus divisibles sont, par les rivières et les pluies, entraînées de préférence vers les lieux les plus déclives ; au contraire, les parties qui sont plus solides et moins divisibles ne se peuvent écouler de la sorte ; elles restent donc en place et sont continuellement soulevées. Aussi voyons-nous qu’il y a plus de roches et de pierres sur les hautes montagnes que dans les plaines. De cette façon, plus la partie où la terre se montre particulièrement résistante est étendue en longueur, largeur et profondeur, plus étendues en longueur, largeur et hauteur seront les montagnes formées.

» Huitième conclusion. Les montagnes qui sont aujourd’hui les plus hautes seront un jour détruites ; à la longue, en effet, les pierres les plus dures finissent par être altérées et consumées ; nous voyons l’eau creuser la pierre la plus dure. En outre, dans ce continuel soulèvement de la terre entière, la masse terreuse qui s’élève au-dessous d’une montagne déjà soulevée n’est pas toujours aussi résistante et aussi pierreuse ; lors donc que la terre soulevée au-dessous d’une montagne sera fragile, les eaux la diviseront et l’entraîneront à la mer ; çà et là, le sol sera afïouillé au-dessous de la montagne et l’on verra la montagne tomber par fragments dans les excavations.

» D’ailleurs, nous verrons plus loin que la partie de la terre qui, maintenant, est la plus élevée et la plus légère et qui est découverte, deviendra un jour la plus lourde, la plus déprimée, et se trouvera dès lors sous la mer. Supposons que le Mont Ventoux, que les monts des Gévennes (Montes Ricordaniæ) durent encore à ce moment, qu’ils soient situés au fond de la mer, que la mer recouvre leurs sommets, que la terre ferme, enfin, soit où la mer se trouve à présent ; alors se produirait un soulèvement de toute la terre dirigé vers le côté qui est découvert ; par ce soulèvement continué pendant très longtemps, le sommet de ces montagnes finirait par venir au centre de la terre.

» Neuvième conclusion. Il est raisonnable que de nouvelles mers partielles se produisent parfois là où auparavant il n’y en avait pas et que d’autres mers partielles disparaissent du lieu qu’elles occupaient. En effet, dès là que de haute montagnes se formeraient à un endroit où il n’y en avait pas, on verrait se produire au sein de la terre ferme une multitude de sources venues de ces montagnes ; ces sources donneraient naissance à de grands fleuves ; les fleuves couleraient là où ils ne coulaient