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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/306

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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

pas auparavant pour arriver enfin à l’Océan ; il faudrait alors que la terre comprise entre ces hautes montagnes se recouvrît d’eau ; une portion de terre ainsi recouverte par l’eau prend le nom d’étang lorsqu’elle est petite et provient de petites rivières ; si elle est plus grande, on l’appelle lac (palus) ; si elle est très grande, très longue et très large, on la nomme mer ; cette mer devient salée, de la façon qui sera expliquée au second livre. Par contre, que viennent à diminuer les montagnes d’où naissent certains fleuves, cause d’une mer partielle ; les fleuves diminueront aussi, et la mer avec eux ; que les sources tarissent ; les fleuves, et la mer seront desséchés.

» Dixième conclusion. Il est raisonnable que l’Océan, la grande mer qu’on ne peut traverser, éprouve parfois un accroissement considérable le long d’une de ses rives, tandis qu’il diminue sur l’autre rive. Nous l’avons déjà dit au sujet des colonnes d’Hercule[1]. Pourquoi et comment cela peut être, le voici : Sur la terre qui est à présent découverte d’eau, il est possible qu’à l’avenir, selon ce qui vient d’être dit, des montagnes élevées se forment du côté de l’Orient et que d’autres montagnes élevées soient détruites ou diminuées et viennent à manquer du côté de l’Occident ; ou bien il est possible qu’il en soit au contraire ; il peut arriver que la mer déborde par l’apport des fleuves qui s’y jettent ; nécessairement, l’Océan doit croître là où de plus grands fleuves y viennent finir leur cours ou bien encore là où des mers partielles plus grande et plus nombreuses, trouvant vers lui un écoulement, s’épanchent en son sein ; suivant donc les changements que les fleuves éprouvent, de la façon qui a été indiquée ou de toute autre façon, l’Océan doit augmenter ou diminuer de ladite manière.

» Onzième conclusion, qui résulte de la précédente. De la façon qui vient d’être dite, il est possible qu’à l’égard du ciel immobile, toute la partie de la terre ou tout l’hémisphère qui est maintenant habitable soit un jour couvert par l’Océan et que toute la partie couverte aujourd’hui devienne terre ferme. J’admets donc, conformément à la conclusion précédente qu’en dix mille ans, du côté de l’Orient, l’Océan ait avancé de dix lieues, couvrant une telle étendue de la terre qui était précé-

  1. Dans la question précédente, en effet, on lisait : « On dit qu’Hercule chercha les confins de la terre habitable et, tant à l’Orient qu’à l’Occident, aux termes de cette terre, au-delà desquels on ne trouvait plus ni terre ferme ni aucune île, il planta deux colonnes de bronze ; or on dit qu’une de ces colonnes se trouve maintenant à une grande distance de la mer, tandis que l’autre, depuis longtemps, est submergée, comme si la mer tournait autour de la terre. »