Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

celle-ci~vers le haut ; qu’on prenne ensuite la seconde pierre, qu’on la mette dessous, et qu’on poursuive sans cesse la même opération ; il est certain que chacune des pierres de la pile se meut et monte continuellement ; et cependant la pile entière, prise en elle-même, demeure, en repos. » Tel est bien, en effet, le mouvement incessant que Buridan attribuait à la masse terrestre.


XVI
LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE À L’UNIVERSITÉ D’OXFORD


Nous venons de voir avec quelle faveur les maîtres parisiens avaient reçu l’enseignement de Buridan et, comme ce maître, attribué à la terre un mouvement très lent, mais incessant. Cette opinion ne paraît pas avoir rencontré une moindre faveur auprès des maîtres d’Oxford.

Guillaume Heytesbury regarde comme vraisemblable la supposition suivante[1] : « Toute partie d’un élément tel que la terre ou le feu peut être corrompue, car il n’en est aucune qui ne puisse être amenée au contact d’un élément contraire, et peut-être y sera-t-elle un jour amenée ; supposons, en effet, comme cela est assez probable, que la terre soit en continuel mouvement ou, tout au moins, qu’elle se meuve fréquemment, en sorte que cette portion de terre qui est maintenant près du centre puisse peut-être, au cours du temps éternel, s’en trouver distante d’un grand nombre de milles ; alors, en fait, un corps qui lui est contraire pourra s’en approcher assez pour la pouvoir corrompre. »

Lorsqu’il veut prouver que la continuation du mouvement ne suffit pas à accélérer ce mouvement, le Tractatus de sex inconvenientibus s’exprime ainsi[2] :

« Si la continuation du mouvement était la cause qui accélère la chute du grave, Comme la Terre, depuis qu’elle a commencé d’exister et que le Soleil a, lui aussi, commencé d’exister, est en mouvement continuel à cause de la chaleur du Soleil, elle

  1. Sophismata Hentisberi ; Sophismatum sextum. Ed. Venetiis, 1494, fol. 89, col. b.
  2. Tractatus de sex inconvenientibus ; Quæst. IV : Utrum in motu locali sit certa assignanda velocitas ; art. I : Utrum velocitatio motus gravis sit ab aliqua causa certa.