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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Le conflux [des humeurs], dit-il[1] est un mouvement par lequel la nature, avec les humeurs et la chaleur, se retire des régions périphériques vers le centre, et se dilate ensuite de celui-ci vers celles-là. Il a une suffisante ressemblance avec le mouvement d’accès et de recès que la Lune cause dans l’eau. L’eau se répand, en effet, du milieu vers ce qui se trouve au dehors ; c’est ce qui arrive, tandis que la Lune progresse du point où elle se lève jusqu’au milieu du ciel ; puis elle rentre en elle-même jusqu’au moment où la Lune atteint le point où elle se couche ; elle recommence son mouvement d’expansion comme auparavant jusqu’au moment où la Lune passe la partie du méridien qui se trouve sous la terre ; à partir de ce moment, elle revient en elle-même comme précédemment. Or il est dit au Centiloquium [de Ptolémée] : Les humidités des corps croissent pendant le premier quart de la lunaison et décroissent dans le second ; il en est semblablement dans les deux autres quarts. »

À ces indications très générales, Pierre joint quelques renseignements sur les circonstances qui gênent ou favorisent la marée ; ces renseignements, il n’en dissimule pas l’origine ; il les emprunte, dit-il, à l’Introductorium d’un auteur qu’il nomme tantôt Albumasar et tantôt Geofar ; cet auteur, c’est Abou Masar Gâfar.

Les Padouans ne purent donc, de leur célèbre docteur, Pierre x d’Abano, rien apprendre d’important au sujet de la marée. C’est chez eux, cependant, que la théorie du flux et du reflux fera de nouveaùx et importants progrès. De ces progrès, l’initiateur sera Giacomo ou Jacopo Dondi dall’Orologio, qui naquit à Padoue, en 1298, au moment où Pierre d’Abano travaillait à ses vastes compilations. De Jacopo Dondi date, pour la doctrine des marées, une ère qui comprend une grande partie du seizième siècle. Aussi ne parlerons-nous de l’œuvre de cet auteur qu’au moment où nous étudierons la science italienne de la Renaissance.

Pour le moment, nous allons poursuivre l’examen des tâtonnements par lesquels les maîtres de la Scolastique s’efforçaient de rendre raison du flux et du reflux.

1. Petri de Abano Conciliator differentiarum ; differentia 88.

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