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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/331

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

L’écrit de François de Mayronnes sur le premier livre des Sentences, le Conflatus, est daté de 1321 ; les questions sur le second livre ne portent aucune date ; du moins savons-nous qu’elles sont antérieures à l’année 1327 qui est celle de la mort de l’auteur. Ainsi, dès le premier quart du xive siècle, il se rencontrait à l’Université de Paris des docteurs pour soutenir que la fixité du Ciel et la rotation de la terre assuraient au Monde une meilleure disposition que Phypothèse contraire ; pour les réfuter, leurs adversaires leur opposaient l’insuffisance de leur système à rendre compte de toutes les apparences célestes.

Les partisans de la rotation de la terre étaient assez nombreux et leur opinion assez commune pour qu’on s’en souciât au sein des juiveries de Provence ; et là aussi, leurs adversaires leur opposaient la même fin de non recevoir ; ils reprochaient à l’hypothèse proposée de ne point sauver les mouvements des astres errants ; c’est, en particulier, le langage que tenait Lévi ben Gerson dont les relations avec les astronomes parisiens ne paraissent pas douteuses[1].

« Il est parfaitement clair, écrit Lévi[2], que le Soleil se meut, car le lieu de son lever n’est pas aujourd’hui le même que demain, et il en est semblablement de son coucher. Si la sphère du Soleil demeurait immobile tandis que la terre serait en mouvement, comme le pensent beaucoup de gens, le lever du Soleil se devrait toujours faire au même lieu de l’horizon.

» Les étoiles, sont elles aussi, toutes en mouvement. En effet, au moment où le Soleil termine son cours diurne, on remarque que les étoiles qui se lèvent un soir ne se lèvent pas le lendemain [au même moment], mais se montrent déjà au-dessus de l’horizon. Cela démontre que le mouvement qu’on observe dans les astres n’est pas le même pour tous. Or, si les astres demeuraient immobiles tandis que la terre serait en mouvement, le mouvement observé devrait être le même pour tous les astres. »

Les documents divers que nous avons recueillis semblent prouver que ce débat n’a cessé, pendant toute la durée du xive siècle, de préoccuper les Parisiens.

Comment donc les partisans de la rotation de la terre s’y prenaient-ils pour soutenir leur opinion ? Ne nous sera-t-il pas donné, tout au moins, d’entendre l’enseignement de l’un d’entre eux ? Nous l’entendrons ; celui qui nous l’exposera sera parti¬

1. Voir : Troisième partie, ch. VIII, § III ; t. V, p. 212.

2. Joseph Carlebach, Leivi ben Gerson als Mathematlker. Ein Beitrag zur Geschichte der Mathematik bel den Juden, Berlin, 1910. p. 45-46.

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