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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/347

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

comment elles aboutiront à la double condamnation de Galilée. Nicole Oresme, avec son clair bon sens, a marqué le principe qui permet au chrétien de dissiper ces sortes de difficultés :

« Au sixte, de la Sainte Escripture qui dit que le Solail tourne etc., l’on diroit qu’elle se conferme en ceste partie à la manière de commun parler humain, auxi comme elle fait en plusieurs lieux, sicomme là où il est escript que Dieu se repanti, et courroça, et rapesa, et telles chouses qui ne sont pas ainsi comme la lettre sonne. »

Notre incompétence hésiterait à vanter la justesse du sens théologique dont le Chanoine de Rouen fait preuve en ce passage ; mais, à notre propre jugement, nous sommes heureux d’en pouvoir substituer un, qui soit hautement autorisé. À propos du texte qu’on vient de lire, Son Éminence le Cardinal Mercier, archevêque de Malines, nous faisait, le 22 mars 1910, l’honneur de nous écrire :

« Ce document est du plus vif intérêt.

» Vous faites observer que certains chapitres de Copernic ne sont qu’un résumé du « traité » de Nicole Oresme ; la réponse « au sixte » semble avoir fourni le texte d’une réponse de la commission biblique. »

Au xive siècle, nous l’allons voir, l’hypothèse du mouvement de la terre, défendue par Oresme, trouva de savants adversaires ; mais ils ne songèrent pas à s’appuyer, pour combattre cette supposition, sur les passages de l’Écriture dont le Chanoine de Rouen n’avait pas voulu tenir compte.

D’ailleurs, bien loin de voir, dans ses persuasions en faveur du mouvement de la terre, rien qui pût effaroucher le chrétien, Oresme prétendait montrer « comment telles considérations sont profitables pour la deffense de notre foy ». Assurée pour lui-même, son orthodoxie ne fut aucunement suspectée de ses contemporains ; * le traité où il regardait comme probable que la terre tourne lui valut de s’élever dans la hiérarchie ecclésiastique ; il le pouvait clore par ces paroles :

« Et ainsi, à laude de Dieu, j’ay accompli le livre du Ciel et du Monde au commendement de très excellent prince Charles Quint de ce nom, par la grâce de Dieu Roy de France, lequel, en ce faisant, m’a fait évesque de Lisieux. »