Par la même raison, il serait plus difficile, au gré de notre auteur, de jeter une pierre vers l’Occident que vers l’Orient ; les oiseaux, qui volent bien contre le vent mais ne peuvent voler dans le sens du vent, ne pourraient voler vers l’Orient.
Ces considérations d’une Physique fort irréfléchie font place à quelques remarques plus judicieuses et qui, nous l’avons dit, constituaient l’argument le plus fréquemment opposé aux tenants de la rotation terrestre ; voici ces remarques :
« Si la terre se mouvait d’Occident en Orient, nous pourrions bien sauver par là quelques-uns des phénomènes qui se manifestent à nous en vertu du mouvement du Ciel ; tels le lever et le coucher du Soleil et des étoiles… Mais les phénomènes (apparentia) qui s’observent au Ciel ne pourraient être tous sauvés par le repos du Ciel et par ce mouvement diurne de la terre. En effet, par le repos du Ciel et par ce mouvement diurne de la terre, on ne parviendrait pas à sauver les oppositions et les conjonctions des astres errants, les changements de distances de ces astres aux étoiles fixes, distances qui sont tantôt plus grandes et tantôt plus petites ; pour sauver tous ces phénomènes, il faut donc bien supposer que le Ciel se meut. »
Pierre d’Ailly n’est, bien souvent, qu’un écho d’Albert de Saxe ; ainsi en est-il dans les circonstances présentes. Sa troisième question sur la Sphère de Johannes de Sacro-Bosco[1] est intitulée : « Le mouvement d’Orient en Occident que le premier mobile accomplit autour de la terre est-il uniforme ? » Il y reproduit presque textuellement des paragraphes entiers de ce qu’Albert, dans ses Questions sur le traité du Ciel, avait dit du même sujet.
Pour démontrer que la terre n’a point de mouvement de rotation, il répète « que l’air, mis en mouvement avec la terre, gênerait ceux qui marchent vers l’Occident et aideraient ceux qui vont à l’Orient, comme nous voyons que le font les vents. » Il répète aussi que « les oiseaux ne pourraient voler vers F Est aussi bien que vers l’Ouest. » Il reprend cet argument : « Un corps, lancé tout droit vers le haut, ne pourrait retomber à son point de départ… Par suite du mouvement de la terre, en effet ce projectile demeurerait en arrière. C’est ce que montre une flèche tirée dans un navire en mouvement. » S’il eût fait l’expé-
1.
- ↑ Reverendissimi domini Petri de Aliaco Cardinalis et episcopi cameracensis XIV quæstionis in Sphæram Johannis de Sacro Bosco ; quæst, III : Utrum motus primi mobilis ab oriente in occidentem circa terrain sit uniformis.