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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/376

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LA PLURALITÉ DES MONDES

différents. S’il les faisait entièrement semblables à celui-ci, il ferait œuvre vaine, ce qui ne convient pas à sa sagesse. S’il les faisait dissemblables, c’est qu’alors aucun d’entre eux ne comprendrait en lui-même la totalité de la nature du corps sensible ; aucun d’eux ne serait parfait, et c’est seulement leur ensemble qui constituerait un monde unique et parfait.

» Un second argument est celui-ci : Plus une chose est noble, plus son espèce a de puissance pour se réaliser ; or le monde est de plus noble espèce qu’aucun des êtres naturels qu’il renferme ; si donc l’espèce d’un tel être, celle, par exemple, du cheval ou du bœuf, est capable de parfaire plusieurs individus, a fortiori l’espèce de l’Univers peut-elle parfaire plusieurs individus. — À cela nous répondrons qu’il faut plus grande puissance pour produire un seul individu parfait que pour produire un grand nombre d’individus imparfaits ; aucun de ceux-ci ne comprend en lui-même tout ce qui convient à son espèce ; le Monde, au contraire, possède cette sorte de perfection ; cela suffit à manifester que son espèce est plus puissante que toutes les autres.

» On peut, en troisième lieu, faire cette objection : Il vaut mieux multiplier les meilleures choses que les choses moins bonnes ; il vaut donc mieux créer plusieurs mondes que plusieurs animaux ou plusieurs plantes. — À quoi nous répondrons : Il importe à la bonté du Monde qu’il soit unique ; l’unité est la raison même de sa bonté ; nous voyons, en effet, que la division suffit à faire déchoir certaines choses de la bonté qui leur est propre. »


II
LA PLURALITÉ DES MONDES ET LA CONDAMNATION DE 1277. — GODEFROID DE FONTAINES. HENRI DE GAND. RICHARD DE MIDDLETON. GILLES DE ROME


La question de la pluralité des Mondes, tout comme nombre d’autres problèmes, semblait mettre en opposition les impossibilités décrétées par la Physique péripatéticienne et la toute-puissance créatrice que le christianisme reconnaît à Dieu. Michel Scot, Guillaume d’Auvergne, Roger Bacon, Saint Thomas d’Aquin avaient tenté de prouver, par des voies diverses, que cette limitation de pouvoir n’est qu’apparente, que l’impuis-