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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/396

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LA PLURALITÉ DES MONDES

» Secondement, il n’y aurait aucune raison pour qu’un grave se mût vers le centre de ce monde-ci plutôt que vers le centre de l’autre monde.

» Troisièmement, tout corps qui, naturellement, s’éloigne d’un lieu ne peut s’approcher de ce lieu, si ce n’est par mouvement violent ; mais un grave, placé dans un autre monde, s’écarte naturellement du centre de ce monde-ci… ; en quelque lieu, donc, qu’on le place, à l’intérieur de la circonférence de ce monde-ci, c’est violemment, et non point d’une manière naturelle qu’il s’approcherait du centre de ce monde. »

À ces objections, notre auteur adresse les réponses suivantes :

En premier lieu, ce raisonnement n’est pas concluant : Le ciel comprend toute sa matière ; il ne saurait donc être multiplié. « En effet, il peut être multiplié par un agent dont l’action ne présuppose aucune matière, mais qui crée le tout, la matière en même temps que la forme. »

« À la seconde objection, je réponds : Un grave qui serait au sein d’un certain monde se mouvrait vers le centre du monde dans lequel il se trouve ; un autre grave, placé dans un autre monde, se mouvrait, au sein de cet autre monde, vers le centre de ce dernier. »

Enfin, il faut rejeter ce principe aristotélicien : Tout ce qui s’écarte naturellement d’un lieu ne saurait s’approcher de ce lieu, si ce n’est par mouvement violent. « Un grave peut s’éloigner naturellement du lieu même vers lequel il se porte naturellement… Un grave mis au centre du Monde s’approcherait naturellement d’un aimant placé au-dessus de lui. Il en serait de même pour empêcher la production du vide.

» On peut voir aisément qu’il en est de même pour les corps légers. Imaginons, en effet, une ligne qui passe par le centre de la terre et se prolonge jusqu’au Ciel ; soit, sur cette ligne, A B le diamètre de la sphère des corps élémentaires, diamètre dont les extrémités sont deux points du Ciel. Il est manifeste qu’une masse de feu placée à la surface de la terre directement au-dessous du point A montera naturellement vers A ; par son ascension, donc, elle s’éloignera naturellement du point B ; cependant, si cette même masse de feu était placée de l’autre côté de la terre, directement au-dessous de B, par mouvement naturel elle s’approcherait de B et s’éloignerait de A. Ainsi un même corps léger, selon qu’on le place en des situations différentes, peut, par mouvement naturel, s’approcher ou s’éloigner d’un même lieu. J’en dis autant d’un même grave qui serait