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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/423

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Dans son Commentaire au discours sur la substance de l’orbe, Jean de Jandun écrit[1] :

« Nous n’avons pas à rechercher ici quelle raison rend compte de la tache de la Lune ; nous l’examinerons suffisamment au second livre Du Ciel et du Monde, Ce qu’il faut retenir, c’est, comme le dit ici le Commentateur, que la cause en est dans la diversité des parties de la Lune en densité et en rareté ; une partie de la Lune est assez rare pour ne pas recevoir la lumière du Soleil de la même façon que les autres parties ; à la surface de la Lune, la première partie dessine une sorte de figure qui paraît obscure. »

Jean de Jandun n’a pas tenu parole ; dans ses Questions sur les livres du Ciel et du Monde, il n’a pas repris l’explication de la tache Lunaire ; mais ce que nous venons de lire suffit à nous faire connaître son opinion ; elle est pleinement conforme à la pensée de Gilles de Rome.

L’influence d’Averroès se montre avec une grande netteté dans ce que dit Buridan de la lumière de la Lune.

La Lune ne réfléchit pas la lumière du Soleil à la façon d’un miroir[2] ; dans ce cas, en effet, elle ne renverrait pas cette lumière dans toutes les directions.

« Mais quelques-uns veulent sauver ce raisonnement en disant : Il en est de la Lune comme d’une muraille ; lorsque les rayons du Soleil tombent sur une muraille, celle-ci se montre éclairée en totalité et non point seulement suivant ces lignes où le rayon incident et le rayon réfléchi font des angles égaux ; ainsi en est-il de la Lune.

» Mais cette solution est insuffisante ; si, de toutes les parties de la muraille, il y a réflexion vers notre œil, c’est, disons-nous, à cause de la ruguosité de la muraille ; c’est par suite de cette ruguosité que les rayons sont brisés dans tous les sens ; au contraire, si la muraille était parfaitement lisse, comme un miroir d’acier, on ne verrait pas une grande clarté répandue par toute la muraille ; on la verrait seulement en la partie que nous avons dite.

» C’est ce que nous voyons manifestement dans une eau dormante ; c’est seulement une petite partie de cette eau qui

  1. Averrois Cordubensis Sermo de substantiel orbis eum Joannis de Janduno. Expositione ; cap. II.
  2. Questiones super libris de celo et mundo magistri Johannis Byridani rectoris Parisius. Lib. II, quæst. XIX : Utrum macula apparens in Luna proveniat ex diversitate partium Lunæ vel ab aliquo extrinseco. Bibliothèque Royale de Munich, Cod. lat. 19.551, fol. 96, col. d et fol. 97, col. a.