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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/424

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LA PLURALITÉ DES MONDES

nous renverra avec intensité la lumière du Soleil ou d’un astre ; mais agitez quelque peu cette eau, de telle façon que la surface n’en soit plus unie ; cette même lumière se répand sur une grande étendue de l’eau.

» Or nous supposons que la Lune est parfaitement lisse et ne présente aucune aspérité ; Aristote a pensé, en effet, que tous les corps célestes étaient ainsi faits.

» D’autres supposent donc, avec plus de probabilité, que la Lune n’est pas lumineuse d’une manière actuelle ; elle ne peut ébranler d’elle-même un milieu transparent ; mais, par sa disposition naturelle, elle est en puissance prochaine de devenir lumineuse ; et lorsque la lumière du Soleil tombe sur elle, elle est contrainte de briller d’une manière actuelle (reducitur ad actum lucendi). »

Mieux que tous ses prédécesseurs de la Scolastique chrétienne, Jean Buridan a précisé cette sorte de fluorescence qu’Averroès avait attribué à la Lune.

Quant à la tache lunaire, voici ce qu’en pense le Recteur de Paris[1] :

« Avec plus de probabilité, le Commentateur dit que cette tache provient de la diversité que les parties de la Lune présentent en rareté et en densité. Les parties où la tache se montre sont plus rares ; aussi sont-elles moins aptes à briller et à délimiter la lumière du Soleil. On en dit autant de la voie lactée ; les parties de l’orbe étoilé sont, en cet endroit, plus denses qu’ailleurs ; aussi peuvent-elles, jusqu’à un certain point, retenir et délimiter la lumière du Soleil, bien qu’elles ne le fassent pas d’une façon parfaite ; aussi cette région paraît-elle plus blanche que le reste du Ciel. »

C’est cette explication averroïste de la tache lunaire que Nicole Oresme s’applique à faire saisir, en français, aux « gens de noble engein. »

« Or, dit-il après avoir réfuté diverses suppositions inadmissibles[2], lessons ces oppinions qui n’ont apparence, et pour entendre celle qui est plus raisonnable, nous devons savoir :

» Premièrement que la lumière de la Lune vient du Soleil ; et appert légièrement, pource que la partie d’elle qui regarde

  1. Jean Buridan, loc. cit., ms. cit., fol. 97, col. b.
  2. Nicole Oresme, Le traité du Ciel et du Monde. Livre II ; Au XVIe chapitre, il monstre que les estoiles sont meues aux mouvemens des cieulx où elles sont, et non autrement. (Bibliothèque Nationale, fonds français, ms. no 1.083, fol. 75, coll. b, c, d et foi. 76, col. a.)