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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/427

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

moins, proporcionnelment. Et, selon ce, est celle taiche de la figure ou manière dessus mises. »

La lecture d’Albert de Saxe ne nous apprendra rien de nouveau ; tout ce que nous allons trouver dans ses Questions sur les livres du Ciel et du Monde, nous l’aurons déjà lu dans les ouvrages de Jean Buridan et de Nicole Oresme ; il nous faut, cependant, le recueillir et le reproduire, à cause de l’importance que l’exposé du maître allemand aura, pour les exposés de ses deux prédécesseurs français ; tandis que ceux-ci sont encore inédits, il sera maintes fois imprimé à la fin du xve siècle et au commencement du xvie siècle ; c’est donc par lui, et seulement par lui, que les savants de la Renaissance connaîtront l’enseignement parisien touchant la lumière lunaire et la tache de la Lune.

« Il y a doute, écrit Albert de Saxe[1], au sujet du procédé par lequel la Lune reçoit du Soleil sa lumière. Il y a, à cet égard, plusieurs opinions.

» Certains disent que la surface de la Lune est parfaitement lisse, sans nulle aspérité, en sorte qu’elle réfléchit bien vers nous la lumière du Soleil, tout comme les diverses couleurs sont réfléchies par un miroir bien bruni et bien poli ; c’est par cette réflexion de la lumière solaire à sa surface que la Lune nous paraît lumineuse.

» Mais cette opinion n’est pas recevable ; sans doute un corps lisse et bien poli réfléchit les rayons vers l’œil ; mais cette réflexion ne provient point de toute partie du corps lisse. Le miroir en est un exemple patent. Lorsque mon visage se trouve devant un miroir, chaque partie du miroir me réfléchit une espèce, ou un rayon venant de mon visage ; mais n’importe quelle partie du miroir ne renvoie pas à mon œil n’importe quel rayon ; telle partie me renvoie tel rayon et telle autre partie, tel autre rayon. En effet, pour qu’une partie du miroir me renvoie un certain rayon, il faut que ce rayon qui, venu de mon visage, tombe sur le miroir, et le rayon qui parvient à mon œil forment, à la surface du miroir, des angles d’incidence et de réfraction égaux entre eux. Or cela n’a point lieu en toute partie du miroir… Si donc la Lune réfléchissait vers nous la lumière du Soleil de ladite manière, c’est-à-dire comme un

  1. Alberti de Saxonia Subtilissimæ quæstiones in libros de Cælo et Mundo ; lib. II, quæst. XXII (Quæst. XX dans les éditions de Paris, 1516 et 1518.) : Utrum omnia astra alia a sole habeant lumen suum a Sole.