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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/428

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LA PLURALITÉ DES MONDES

miroir, sans doute la surface entière de la Lune pourrait bien nous offrir une faible clarté ; mais nous ne percevrions de clarté intense qu’en une petite partie, telle que l’angle d’incidence soit égal à l’angle de réflexion vers notre œil.

» Mais à ce raisonnement, peut-être fera-t-on une objection. Si la lumière du Soleil frappe un mur, ce mur nous semble éclairé en toute sa surface, et non pas seulement au point qui correspond à un angle de réflexion égal à l’angle d’incidence. Cette objection est sans valeur. Il n’en est point de ce mur comme du corps de la Lune. Grâce aux aspérités de la surface, une foule de parties du mur peuvent réfléchir des rayons à notre œil ; dès lors, une large étendue de la muraille nous paraît éclairée. Mais si la paroi était parfaitement lisse comme un miroir ou comme le corps de la Lune, les rayons solaires, en frappant ce mur, ne l’éclaireraient pas vivement en toute sa surface, mais seulement en un point où le rayon incident venant du Soleil et le rayon qu’on supposerait réfléchi vers l’œil donneraient des angles d’incidence et de réflexion’égaux entre eux. Cela se voit fort bien dans une eau tranquille. Seule, une petite partie de la surface de cette eau nous représente avec intensité la lumière du Soleil ou d’un autre astre. Mais si l’on agite quelque peu la surface de cette eau, elle cesse d’être parfaitement lisse, et la lumière du Soleil nous est renvoyée avec intensité par une région bien plus étendue de cette surface.

» Il faut donc émettre un autre avis. C’est pourquoi je dis que la lumière du Soleil est incorporée dans la Lune. La Lune est un corps translucide et transparent, au moins dans sa partie superficielle, et peut-être dans sa totalité, bien que la grandeur du corps de la Lune ne permette pas à la lumière du Soleil de traverser ce corps entier, à tel point que cette lumière se puisse montrer, sur la face de la Lune qui ne voit pas le Soleil, aussi intense qu’elle l’est sur la face tournée vers le Soleil. Ainsi, la lumière de la Lune, telle que nous la voyons, n’est pas simplement la lumière du Soleil réfléchie sur le corps de la Lune, mais la lumière du Soleil qui a imbibé la Lune et s’y est incorporée.

» On peut encore, d’une autre manière, s’exprimer ainsi :

» La Lune n’est pas lumineuse d’une manière actuelle ; elle ne peut ébranler d’elle-même un milieu transparent ; toutefois, par sa disposition naturelle, elle est en puissance prochaine d’éclat lumineux (luciditas) ; et, par l’incidence de la lumière du Soleil sur la Lune, cette puissance est amenée à l’éclat lumineux actuel. »