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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/431

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

eaux et l’humidité ; sa nature est donc d’attirer au-dessous d’elle une semblable vapeur. Tous ces auteurs s’accordent, dès lors, à ne pas mettre la tache qui se montre dans la Lune au compte de la diversité des parties lunaires, mais bien au compte d’une cause extrinsèque.

» Mais cette opinion n’est pas valable. Ces exhalaisons et ces vapeurs ne seraient point également attirées en tout temps ; elles n’auraient point une figure toujours semblable à elle-même, mais une forme essentiellement changeante. Au contraire, cette tache apparaît constamment et garde toujours même figure ; par conséquent, elle n’est point causée par une vapeur ou exhalaison interposée entre la Lune et nous.

» On ne peut, surtout, regarder comme valable l’opinion des premiers, celle selon laquelle la Lune attire à soi des vapeurs afin de s’en nourrir ; les corps célestes n’ont pas à se nourrir, car ils ne sont sujets ni à la génération ni à la destruction ni à l’altération.

» Une autre opinion prétendait que cette tache est la représentation de quelque objet de ce monde inférieur, soit de la terre, soit des montagnes, soit de quelque chose d’analogue ; ces corps seraient vus dans la Lune comme des corps peuvent être vus par réflexion dans un miroir, et cela parce que, selon cette opinion, la Lune est polie comme un miroir.

» Cette opinion ne vaut pas ; en effet, lorsque la Lune se meut, la partie de la Lune où paraît cette tache devrait changer d’un instant à l’autre, exactement comme les images changent de place dans un miroir en mouvement ; or cela n’est pas.

» D’ailleurs, si la Lune avait le pouvoir de réfléchir les images des corps, l’image de la terre tout entière devrait paraître dans la Lune ; or il est faux qu’elle s’y montre, car la terre n’a pas la forme de cette tache.

» En second lieu, le Commentateur émet une troisième opinion, que je crois véritable. Cette tache proviendrait de la diversité des parties de la Lune ; ces parties seraient plus ou moins rares, ou plus ou moins denses les unes que les autres ; les parties en lesquelles se montre la tache sont les plus rares, ce qui les rend moins aptes à reluire ; les parties qui les avoisinent sont plus denses et, par là, brillent davantage. Cela se comprend par analogie avec l’albâtre ; les parties de l’albâtre qui sont très denses et non transparentes paraissent fort blanches ; celles qui sont transparentes comme du verre sont obscures et tirent sur le noir. Si l’on demande pourquoi la Lune présente de