Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
LA THÉORIE DES MARÉES

à quelque substance sèche et terrestre se gonfle et monte notablement, comme on le voit pour le lait, le miel et plusieurs autres corps ; en ces corps, la partie volatile ne quitte pas facilement la substance sèche et terrestre à laquelle elle est mélangée ; il est donc raisonnable que la mer gonfle plus que les autres eaux à cause de la substance terrestre qui lui est mêlée et qui en cause la salure. »

C’est revenir aux explications qui assimilent le flux à une ébullition, explications que notre auteur semblait vouloir délaisser.

La discussion d’objections dont nous analysons quelques parties fournit à Buridan l’occasion de rappeler l’hypothèse qui rattache l’alternance des vives-eaux et des mortes-eaux aux diverses particularités du mouvement de la Lune ; il se montre parfois, ici, moins affirmatif qu’en ses premières Questions sur les Météores ; il sait, en effet, qu’il est des points où les avis des doctes sont contradictoires.

« Bien des circonstances, dit-il[1], renforcent le flux parce que la Lune en reçoit une vertu puissante ; ainsi en est-il lorsque le mouvement propre de la Lune est vite, lorsque sa lumière brille dans son plein, lorsqu’elle est dans sa maison particulière ; ainsi en est-il lorsqu’elle est plus voisine de nous [qui habitons l’hémisphère septentrional], c’est-à-dire lorsqu’elle se trouve sur le tropique du Cancer ; ainsi en est-il, au gréde ce rtainsé lorsqu’elle est plus voisine de la Terre, c’est-à-dire à l’oppos, de l’auge ; mais d’autres disent le contraire ; ainsi en est-il encore lorsque la Lune est fortifiée par des communications ou aspects propices à l’égard des autres astres errants, ou par d’autres circonstances multiples dont l’examen est affaire d’Astrologie. »

En examinant diverses objections, Buridan émet quelques remarques judicieuses et intéressantes, celle-ci par exemple[2] :

« Au moment du flux, la mer, en vérité, s’élève en tous lieux, mais elle ne s’élève pas notablement, car elle ne monte pas de plus de deux ou trois pieds ; mais, près du rivage, la mer qui se gonfle afflue de toutes parts ; là se produit l’accumulation d’une grande quantité d’eau et une forte élévation ; aussi la mer doit-elle ensuite refluer sur une grande étendue. »

  1. Ms. cit., fol. 206, col. d, et fol. 207, col a.
  2. Ms. cit., fol. 206, col. d.