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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/69

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

À cette question, notre auteur donne une réponse[1] que nous avons reproduite dans un précédent chapitre[2] ; la Lune, comme le Soleil et les autres astres, n’agit pas par sa lumière, mais par une autre vertu ou influence.

« Il n’est pas douteux, toutefois, que la lumière ne coopère et ne vienne en aide, afin que le flux soit plus considérable ; aussi se produit-il des flux fort élevés au moment de la pleine lune ; et peut-être, pendant la conjonction, la Lune exerce-t-elle encore une puissante opération par sa lumière ; alors, en effet, elle est illuminée sur la face tournée vers le Soleil, et le Soleil réfléchit vers la Terre la lumière de la Lune en même temps que sa propre lumière. »

« Mais comment la Lune produit-elle ce gonflement, puisqu’on admet qu’elle est froide, et que le propre du froid est de resserrer et de condenser bien plutôt que de dilater et d’amplifier ? »

« Par sa vertu, répondrai-je,[3] la Lune est plutôt chaude que froide ; cela, je l’ai appris de Maître Firmin de Belleval. Mais comme c’est sur les eaux que se manifeste d’une manière notable l’effet de cette vertu, on dit que la Lune est la maîtresse des eaux ; puis, cette dénomination qu’on lui avait attribuée l’a fait appeler froide et humide d’après la complexion de l’eau.

» Mais tout rend manifeste que ce gonflement de la mer n’a pas pour cause principale la chaleur de la Lune, mais bien la vertu spéciale de cet astre ; si elle provenait principalement de la chaleur, en effet, le Soleil en produirait une plus grande que la Lune ; or l’expérience nous montre que cela n’est pas. »

Voilà qui va directement à l’encontre des théories soutenues par le Tractatus de fluxu et re fluxu maris.

Pourquoi les fleuves et les étangs n’enflent-ils pas comme la mer ? À cette question, Jean Buridan propose deux réponses[4]. L’une, c’est que fleuves et étangs éprouvent, eux aussi, une marée, mais qu’ils n’ont pas assez d’étendue et de profondeur pour qu’elle soit sensible. L’autre est celle-ci : « Si nous mettons sur le feu un vase qui contient de l’eau pure, exempte de mélange, bien séparée de toute substance sèche et terrestre, cette eau laissera la vapeur s’échapper aisément et sans boursouflure ; mais, dans ces mêmes circonstances, un liquide mêlé

1. Ms. cit., fol. 206, col. b.

2. Voir : Quatrième partie, t. VIII, ch. XIII, § X, pp. 435-436.

3. Ms. cit., fol. 206, col. c.

4. Ms. cit., Zoc. cit.

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