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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/110

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

l’Intelligence, la Lueur et le Verbe. Dans le Mystérieux des mystérieux s’est fondue la Pensée silencieuse, la source de la Lumière que la matière ne peut recevoir. Dieu a été ramené à n’être qu’une trinité. La première hypostase, qui est l’Infini ou le Roi, est demeurée inconnaissable. Le début de la création a coïncidé avec la génération du Verbe. Du Père et du Verbe, a procédé la Lumière capable de se manifester ici-bas.

Le Zohar nous enseigne[1] dès lors qu’au commencement, le Roi ou l’Infini frappa, le Vide avec le Verbe. « Le son du Verbe constituait donc le commencement de la matérialisation du Vide. Mais cette matérialisation serait toujours demeurée à l’état d’impondérabilité, si, au moment de frapper le Vide, le son du Verbe n’eût fait jaillir le Point, étincelant, origine de la Lumière, qui constitue le mystère suprême et dont l’essence est inconcevable. C’est pour cette raison que le Verbe est appelé Commencement. attendu qu’il est l’origine de toute la création. »

Pour achever la ressemblance de cet enseignement avec celui que donne l’Église catholique, il conviendrait de donner le nom d’Esprit-Saint à la Lumière céleste. Un tel langage serait-il conforme à la pensée des auteurs du Zohar ?

Le Zohar parle, à plusieurs reprises, de l’Esprit d’Élohim. Dans une de ces circonstances, il écrit[2] : « Remarquez que le Monde a été créé par le Verbe uni à L’Esprit, ainsi qu’il est écrit : « C’est par le Verbe du Seigneur que les cieux ont été affermis, et c’est l’Esprit de sa bouche qui a produit toute l’armée des cieux. » Ainsi l’Écriture fait mention et du Verbe et de l’Esprit ; l’un ne va jamais sans l’autre. » Le texte permettrait, semble-t-il, de regarder l’Esprit comme identique à cette Lumière dont la matière peut recevoir communication.

Un autre texte est plus obscur[3]. Nous y voyons que Dieu, au cours de la création, s’est manifesté successivement sous forme de quatre hypostases. Il s’est produit, d’abord, sous l’hypostase Schadaï, puis sous l’hypostase Çebaoth, ensuite sous l’hypostase Élohim. Enfin, une voix douce et harmonieuse se fit entendre. « Cette voix, c’était l’Esprit d’Élohim… Et ce n’est que quand la voix douce et harmonieuse se fit entendre que le nom de Jéhovah fut complet… Le nom de Jéhovah est formé de quatre lettres qui sont en quelque sorte, pour l’essence divine, ce que les membres sont pour le corps humain. » Ce passage nous fait souvenir d’une

  1. Zohar, I, fol. 15a ; t. I, p. 90.
  2. Zohar, I, fol. 156a ; t. I, pp. 213-214.
  3. Zohar, I, fol. 16a ; t. I, p. 97.