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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/183

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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

composition, et qui, à cause de cela, n’est ni un corps ni une force dans un corps ; cet être est Dieu (que son nom soit glorifié !). De même, on peut démontrer facilement l’impossibilité que l’existence nécessaire par rapport à l’essence même appartienne à deux êtres… On peut démontrer de plusieurs manières que, dans l’être nécessaire, il ne peut y avoir de dualité en aucune façon. »

À ce Dieu dont l’existence, seule nécessaire par soi, a été démontrée à la manière d’Avicenne, quelle sorte de science notre Rabbin va-t-il attribuer, celle que lui concède Aristote, ou bien celle que lui donne Avicenne ?

« Il y a eu (entre les philosophes) un conflit d’opinions[1] ; les uns ont dit que Dieu connaît seulement les espèces et non les individus, tandis que les autres ont soutenu qu’il ne connaît absolument rien en dehors de son essence, de sorte que, selon cette dernière opinion, il n’y aurait point en lui une multiplicité de connaissances ; enfin, il y a eu des philosophes qui croyaient comme nous que Dieu connaît toutes choses, et que rien absolument ne lui est caché ; ce sont certains grands hommes antérieurs à Aristote… Nous soutenons, nous autres croyants, que Dieu connaît ces choses avant qu’elles naissent… »

« Une chose sur laquelle on est d’accord[2], c’est qu’il ne peut survenir à Dieu aucune science nouvelle, de manière qu’il sache maintenant ce qu’il n’avait pas su auparavant. Il ne peut pas, non plus, même selon l’opinion de ceux qui admettent les attributs, posséder des sciences multiples et nombreuses. Cela démontre, nous disons, nous autres sectateurs de la Loi, que, par une science unique, il connaît les choses multiples ef nombreuses, et que, par rapport a Dieu, la variété des choses sues n’implique point la variété des sciences, comme cela a lieu par rapport à nous. De même, nous disons que toutes ces choses nouvellement survenues, Dieu les savait avant qu’elles existassent, et il les a sues de toute éternité ; par conséquent, il ne lui est survenu aucune science nouvelle. »

« Ce n’est pas des choses que lui vient la connaissance qu’il en a[3], de sorte qu’il y aurait là multiplicité et renouvellement ; au contraire, ces choses dépendent de sa science, qui les a précédées

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Troisième partie, ch. XVI ; éd. cit., t. III, pp. 113-114.
  2. Moïse Maïmonide, Op. laud., Troisième partie, ch. XX ; éd. cit., t. III, p. 147.
  3. Moïse Maïmonide, Op. laud., Troisième partie, ch. XXI ; éd. cit., t. III, p. 157.