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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/184

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

dus corporels et permanents, soit êtres matériels individuellement variables… Pour Dieu donc, il n’y a pas de science multiple, et il ne peut survenir, rien de nouveau dans sa science, qui est inaltérable ; car en connaissant toute la réalité de son essence inaltérable, il connaît par cela même tout ce qui doit nécessairement résulter de ses actions.

» Faire des efforts pour comprendre comment cela se tait, ce serait comme si nous faisions des efforts pour que nous soyons Lui et pour que notre perception soit la sienne… Si nous savions nous en rendre compte, nous posséderions nous-mêmes l’intelligence qui donne ce genre de perceptions ; mais c’est là une chose qu’aucun être, hormis Dieu, ne possède, et qui est elle-même l’essence divine. »

Ainsi, de la science divine, Maïmonide, rompant nettement avec la doctrine d’Aristote, pense exactement ce qu’Avicenne avait pensé.


B. Les Intelligences célestes.


De Dieu, descendons aux créatures et, d’abord, aux sphères célestes[1].

« Que la sphère céleste soit douée d’une âme, c’est ce qui devient clair quand on examine bien (la chose). Ce qui fait que celui qui entend cela croit que c’est une chose difficile à comprendre, ou le rejette bien loin, c’est qu’il s’imagine que, lorsque nous disons douée d’une âme, il s’agit d’une âme comme celle de l’homme, ou comme celle de l’âne ou du bœuf. Mais ce n’est pas là le sens de ces mots, par lesquels on veut dire seulement que son mouvement local prouve qu’elle a indubitablement en elle un principe par lequel elle se meut, et ce principe, sans aucun doute, est une âme. En effet,… il est inadmissible,… que le principe de son mouvement soit une nature et non pas une âme ; car ce qui a mouvement naturel, le principe qui est en lui le meut uniquement pour chercher son lieu (naturel), lorsqu’il se trouve en un autre lieu, de sorte qu’il reste en repos dès qu’il est arrivé à son lieu, tandis que cette sphère céleste se meut toujours circulairement en la même place.

» Mais il ne suffit pas qu’elle soit douée d’une âme, pour qu’elle doive se mouvoir ainsi ; car tout ce qui est doué d’une âme ne se meut que par nature ou par une conception. Par nature, je veux dire ici [ce qui tend] à se diriger vers ce qui lui convient ou à fuir

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, chapitre IV ; éd. cit., t. II, pp. 51-62.