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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/197

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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

« Vous êtes incapables, disait Al Gazâli aux philosophes[1], d’expliquer comment une chose a été décidée plutôt qu’une autre chose semblable. Le Monde provient d’une Cause qui l’a créé en choisissant les différences qui s’y trouvent. Or, pourquoi a-t-il été approprié d’une certaine manière [plutôt que d’une autre ?]… C’est ce que l’on peut considérer[2] en la diversité du mouvement des orbes, dont les uns vont d’Orient en Occident, les autres en sens contraire, etc. Il est impossible à notre adversaire de donner des raisons de la diversité qui se remarque dans les choses et les dispositions. »

Al Gazâli répétait des considérations semblables[3], alors qu’il voulait montrer aux Néo-platoniciens le caractère illusoire de l’explication qu’ils avaient imaginée pour concilier la variété du Monde avec leur principe : D’une cause une provient nécessairement un effet un. C’est cette argumentation de la Destruction des philosophes que Maïmonide va reprendre et développer.

« J’ai pour but, dit-il[4], de te montrer par des preuves qui approchent de la démonstration, que cet Univers nous indique nécessairement un Créateur agissant avec intention…

» Je vais exposer cette méthode, après avoir d’abord posé en principe ce qui suit : Toutes les fois qu’une matière est commune à des choses qui diffèrent entre elles d’une manière quelconque, il a fallu nécessairement, en dehors de cette matière commune, une cause qui ait fait que ces choses eussent, les unes telle qualité, les autres telle autre, ou plutôt il a fallu autant de causes que de choses différentes. C’est là une proposition sur laquelle tombent d’accord les partisans de l’éternité du Monde et ceux de la création. Après avoir posé ce principe, j’aborde l’exposition que j’avais en vue, en discutant, sous forme de questions et de réponses, sur l’opinion d’Aristote. »

Nous allons, en effet, entendre, de la bouche de Maïmonide, une suite de questions posées au Stagirite ; mais sous le nom d’Aristote, c’est la Philosophie d’Al Gazâli, qui donnera toutes les réponses.

« Nous posons d’abord à Aristote la question suivante : Tu nous as démontré que toutes les choses sublunaires ont une seule et

  1. Averrois Cordubensis Destructio destructionum Algazelis, Pars prima, Disputatao, I, treizième : Ait Algazel.
  2. Averroès, loc. cit., quatorzième : Ait Algazel.
  3. Averrois Cordubensis, Op. laud., Pars prima, disputatio, III, trente-deuxième : Ait Algazeî.
  4. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxieme partie, ch. XIX ; éd cit., t. II, pp. 146-163.