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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/198

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

même matière, commune à toutes ; quelle est donc alors la cause de la diversité des espèces qui existent ici-bas, et quelle est la cause de la diversité des individus de chacune de ces espèces ? — Là-dessus, il nous répondra : Ce qui cause la diversité, c’est ce que les choses composées par cette matière diffèrent de mélange. …Par ces mélanges divers [des quatre éléments] la matière acquiert des dispositions diverses pour recevoir des formes diverses, et ces formes, à leur tour, la disposent pour la réception d’autres formes, et ainsi de suite…

» Alors, nous adresserons à Aristote cette autre question : S’il est vrai que le mélange des éléments est la cause qui dispose les matières à recevoir les formes diverses, qu’est-ce donc alors qui a disposé cette Matière première de manière qu’une partie reçût la forme de feu et une autre partie la forme de terre ?… — À cela, Aristote fera la réponse suivante : Ce qui a fait cela, c’est la différence des lieux ; car ce sont ceux-ci qui ont produit dans la Matière unique les dispositions diverses. La partie qui est plus près de la circonférence a reçu de celle-ci une impression de subtilité et de mouvement rapide…, de sorte qu’ainsi préparée, elle a reçu la forme de feu ; mais à mesure que la Matière s’éloigne de la circonférence et qu’elle est plus près du centre, elle devient plus épaisse, plus consistante et moins lumineuse ; elle se fait alors terre…

» Enfin nous lui demanderons encore : La matière de la circonférence, c’est-à-dire du Ciel, est-elle la même que celle des éléments ? — Non, répondra-t-il, mais au contraire, celle-là est une autre matière et elle a d’autres formes…

» Écoute maintenant, ô lecteur de ce traité, ce que je dis, moi : … Toutes les sphères célestes ont une même matière, car toutes elles se meuvent circulairement. Mais en fait de forme, les sphères diffèrent les unes des autres ; car telle se meut de l’Orient à l’Occident, et telle de l’Occident à l’Orient, et, en outre, les mouvements diffèrent par la rapidité et la lenteur.

» On doit donc encore adresser à Aristote la question suivante : Puisque toutes les sphères ont une matière commune, et que dans chacune d’elles le substratum possède une forme particulière qui n’est pas celle des autres, qui est donc celui qui a particularisé ces substrata et qui les a disposés pour recevoir des formes diverses ? Y a-t-il, après la sphère, autre chose à quoi l’on puisse attribuer cette particularisation, si ce n’est Dieu, le Très-haut ?

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» S’il y a au-dessous de la sphère céleste tant de choses diverses,