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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/199

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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

bien que leur Matière soit une, comme nous l’avons exposé, tu peux dire que ce qui les a particularisées, ce sont les forces des sphères et les différentes positions de la Matière vis-à-vis de la sphère céleste, comme nous l’a enseigné Aristote. Mais pour les diversités qui existent dans les sphères et les astres, qui a pu les particulariser, si ce n’est Dieu ? Car si quelqu’un disait que ce sont les Intelligences séparées, il n’aurait rien gagné par cette assertion. En effet, les Intelligences ne sont pas des corps, de sorte qu’elles puissent avoir une position par rapport à la sphère ; pourquoi donc alors ce mouvement de désir, qui attire chaque sphère vers son Intelligence séparée, telle sphère l’accomplirait-elle vers l’Occident et telle autre vers l’Orient ? Crois-tu que telle Intelligence soit du côté de l’Occident et telle autre du côté de l’Orient ? Pourquoi encore telle sphère serait-elle plus lente et telle autre plus rapide ? Il faudrait donc dire nécessairement que c’est la nature même de telle sphère et sa substance qui ont exigé qu’elle se mût de tel côté et avec tel degré de vitesse, et que le résultat de son désir fût obtenu de telle manière. Et c’est, en effet, ce que dit Aristote et ce qu’il proclame clairement

» Ce qui rend encore plus évidente l’existence de la détermination [volontaire] en la sphère céleste, de sorte que personne ne saurait lui trouver d’autre cause déterminante que le dessein d’un être agissant avec intention, c’est la manière d’exister des astres. En effet, la sphère étant toujours en mouvement et l’astre restant toujours fixe [en sa sphère], cela prouve que la matière des astres n’est pas la même que celle des sphères. »

« C’est une proposition[1] sur laquelle Aristote et tous les philosophes sont d’accord que d’une chose simple, il ne peut émaner qu’une seule chose simple. Si la chose est composée, il peut en émaner plusieurs choses, selon le nombre des simples qu’elle renferme et dont elle est composée

» Si Aristote dit que la première Intelligence sert de cause à la deuxième, la deuxième à la troisième, et ainsi de suite, dut-il y avoir des milliers de degrés, la dernière de ces Intelligences sera toujours indubitablement simple. D’où donc viendrait la composition qui, d’après Aristote, existerait par nécessité dans les rires ?… Comment les Intelligences ont-elles pu devenir la cause des sphères émanant d’elles ? Quel rapport y a-t-il entre la matière des sphères et l’Intelligence séparée, qui est absolument immatérielle ? Supposé même que nous accordions que chaque

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, ch, XXII ; éd. cit., t. II, pp. 172-175.