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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/223

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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

« On peut, dit Calo Calonymos[1] répondre selon la méthode indiquée par Rabbi Lévi dans sa Paraphrase du livre des Physiques, et dire : Le raisonnement n’est pas concluant. Nous prétendons, en effet, qu’il en est de l’instant comme dn point. Parfois, c’est seulement en puissance que le point est le commencement d’une longueur : un tel point, alors, est, en même temps, commencement et fin. Parfois, c’est d’une manière actuelle qu’un point est commencement ; un tel point est seulement commencement. De même, tantôt c’est seulement en puissance que l’instant est commencement de temps, et tantôt, il l’est d’une manière actuelle : il l’est seulement en puissance lorsqu’il est ce qui distingue le passé du futur ; il est commencement d’une manière actuelle lorsqu’il est commencement d’un temps sans être fin d’un autre temps. Lorsque nous disons d’un instant, d’ailleurs, qu’il est commencement d’une manière actuelle, il n’en résulte nullement que cet instant soit une chose déterminée, douée d’existence en acte ; en effet, ce qui est vrai au sens composé ne l’est pas toujours au sens divisé. »

Cette distinction entre le sens composé et le sens divisé était usuelle, au temps où Lévi écrivait, dans les écoles de Paris et d’Oxford ; elle aidait puissamment à délier les sophismes les plus captieux ; notre Rabbin est évidemment rompu aux exercices de Logique où se plaisaient alors les Scolastiques chrétiens.

Les caractères qui se rencontrent dans toutes les générations que nous observons ont fourni aux Péripatéticiens nombre d’arguments contre la création du Monde. Moïse Maïmonide avait déjà montré combien ces arguments s’éloignaient de raisonnements convainquants. Aux considérations de Rabbi Moïse, Rabbi Lévi donne une forme nouvelle et une plus claire netteté.

« Il y a, dit Calo Calonymos[2], une réponse universelle qui se tire de la nature même de la génération et que formule Rabbi Lévi au quatrième chapitre de son livre : Les guerres du Seigneur. Après avoir bien examiné ces raisons, dit-il, nous reconnaîtrons que nombre d’entre elles sont prises d’une comparaison entre la génération universelle, qui est l’objet de nos recherches, et les générations particulières qui se produisent d’une manière naturelle. Il est évident qu’il ne faut pas comparer entre elles ces deux sortes de générations et attribuer à la première tout ce

  1. Calo Calonymmos, Op. laud., lib. III, pars II, cap. IV ; premier fol. après le fol. sign. Fiii, vo.
  2. Calo Calonymmos, Op. laud., lib. III, pars I, cap. III ; fol. sign. Diii, vo et fol. suivant, ro et vo.